OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le prix de la production intellectuelle http://owni.fr/2011/11/08/peut-on-vraiment-vendre-production-intellectuelle-creation-droit-auteur/ http://owni.fr/2011/11/08/peut-on-vraiment-vendre-production-intellectuelle-creation-droit-auteur/#comments Tue, 08 Nov 2011 14:50:07 +0000 william Vandenbroek http://owni.fr/?p=85709

Il n’y a rien de plus utile que l’eau, mais elle ne peut presque rien acheter ; à peine y a-t-il moyen de rien avoir en échange. Un diamant, au contraire, n’a presque aucune valeur quant à l’usage, mais on trouvera fréquemment à l’échanger contre une très grande quantité d’autres marchandises.

Adam Smith

Au Moyen Âge, le livre se vend comme un diamant, c’est un objet rare, difficile à produire et à distribuer. Il s’échange à des prix très élevés et reste la propriété des classes fortunées. Il est conservé précieusement dans des bibliothèques et fait la fierté de ses possesseurs.

Au XXIe siècle, la connaissance se déverse à torrents dans les canaux numériques. Elle est devenue un flux que l’on recueille sur ses timelines Facebook ou Twitter et que l’on souhaite partager le plus largement possible. A l’heure de l’économie de la connaissance, elle est devenue une denrée aussi utile que l’eau, et comme l’eau, son prix est devenu très faible. La presse écrite par exemple, n’en finit pas de voir son chiffre d’affaires diminuer et se retrouve de plus en plus dépendante d’une assistance respiratoire publique ou privée (ce qui nuit évidemment au principe d’indépendance de la presse).

Nous vivons à une époque où la valeur d’usage de la production intellectuelle n’a jamais été aussi élevée, et dans le même temps, sa valeur d’échange n’a jamais été aussi faible.

Comment comprendre, comment interpréter ce phénomène paradoxal ? Pourquoi l’information, la connaissance, la production intellectuelle ne trouve plus actuellement de moyen viable de se vendre ? Et comment trouver d’autres modèles pour les secteurs de la production intellectuelle ?

Qu’entend-t-on par production intellectuelle ? Composer une chanson, c’est de la production intellectuelle. L’interpréter durant un concert, en revanche, n’en est pas: c’est une prestation, un service.

Un article de presse, un roman, l’écriture et la mise en scène d’une pièce de théâtre, la composition musicale sont autant d’exemples de production intellectuelle. Une création architecturale ou la recette originale du Coca-Cola sont également des productions intellectuelles. Bref, il s’agit de toute création originale dont la valeur ajoutée réside dans l’idée plus que dans l’application directe.

Le modèle actuel d’échange de la production intellectuelle repose sur les théories classiques qui ont d’abord été élaborées pour les biens industriels. Le problème, c’est que la production intellectuelle et la production industrielle n’obéissent pas aux mêmes lois en ce qui concerne l’échange et la distribution.

Les conditions de l’échange marchand

Si l’on revient aux conditions de l’échange marchand, on s’aperçoit que pour qu’un échange soit possible il faut trois conditions:

  • D’abord, il ne doit porter que sur des objets, des choses extérieures aux individus, des choses qui relèvent de l’avoir et non de l’être. Un état affectif par exemple ne s’échange pas ; impossible d’acheter du bonheur à un homme heureux pour soulager une dépression !
  • Ensuite, il faut, pour que l’échange ait lieu, une symétrie entre un manque et un excédent ; “c’est parce qu’il y a une égalité de tous dans le manque et parce que, en même temps, tous ne manquent pas de la même chose qu’il peut y avoir échange.” nous signale Frédéric Laupiès dans un petit bouquin intitulé Leçon philosophique sur l’échange.
  • Enfin, il faut pouvoir être en mesure de réaliser une équivalence entre les objets échangés. Cette équivalence se réalise notamment par la monnaie qui permet de “rendre les objets égaux”, de pouvoir les estimer et les comparer entre eux.

Essayons de voir si les conditions de l’échange marchand sont remplies pour les productions intellectuelles.

L’idée toute nue

Lorsqu’un auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il les livre au public, qui s’en empare quand ils sont bons, qui les lit, qui les apprend, qui les répète, qui s’en pénètre et qui en fait sa propriété.
Le Chapelier

On dit que l’on “possède” une connaissance. Comme un objet, on peut l’acquérir, la transmettre… On pourrait croire qu’elle est donc un simple avoir immatériel mais elle est aussi un élément constitutif de l’être. On ne peut choisir de s’en séparer délibérément et, plus important encore, on ne la perd pas en la transmettant à d’autres (au contraire). Lorsque l’on vend un marteau, on perd la possession et l’usage du bien. Mais lorsque l’on transmet une connaissance, on ne s’en dépossède pas.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Jusqu’à présent, on était parvenu à vendre de la production intellectuelle parce que celle-ci devait encore passer par un support physique. Avant Internet, un essai dépendait d’un support papier, un morceau de musique dépendait d’une cassette, d’un CD etc.

Le business model de la production intellectuelle reposait en fait sur la confusion entre l’objet et le sens porté par cet objet. L’objet était acquis et valorisé en temps que symbole. On peut vendre un symbole car il est la matérialisation d’une idée porteuse de sens. Lorsque l’on achète des fringues de marque, on n’achète pas seulement un produit fonctionnel, mais on achète aussi le “sens” porté par la marque.

Ainsi, lorsqu’elle avait encore un contenant physique, l’idée pouvait être vendue dans son emballage symbolique mais, avec la dématérialisation totale qu’a permis le numérique, on peut désormais distribuer l’idée toute nue.

Peut-on vendre une idée nue lorsque l’on sait que sa diffusion ne prive personne et qu’on contraire, elle valorise socialement celui qui l’émet?

L’impossibilité de rémunérer les contributeurs

On ne crée rien ex-nihilo. En dehors du secteur primaire, toute production s’appuie sur une création antérieure mais pouvons-nous toujours identifier les sources de nos créations ? Le fabricant de voitures a payé ses fournisseurs en amont qui eux-même ont dû régler leurs partenaires. De cette manière, tous les contributeurs de la chaîne de valeur ont été rémunérés. Mais si je vendais ce billet, me faudrait-il en reverser une part à ma maitresse de CP qui m’a appris à écrire ? Aux auteurs des liens que je cite ? A tous ceux qui m’ont inspiré d’une manière ou d’une autre ? Aux inventeurs de la langue française ?

Ce sont des millions de personnes qui ont en réalité façonné cet article, et qui mériteraient rétribution. Mais il serait impossible de dénouer l’inextricable enchevêtrement d’intervenants qui sont entrés dans ce processus de création. Du reste, il serait assez déprimant de tenter de chiffrer l’apport de chacun…

Il y a donc une injustice fondamentale à vendre à son seul profit, quelque chose qui a en réalité été produite par des communautés entières…

Est-ce cela qui fit dire à Picasso que les bons artistes copient et que les grands artistes volent ?

L’impossible estimation des prix

La dernière condition de l’échange marchand est la possibilité d’estimer la valeur d’une production et d’introduire une équivalence entre les produits.

Déterminer un prix et introduire une équivalence monétaire entre les produits est une tâche déjà compliquée dans le cas d’un produit industriel. Elle a souvent été la cause de clashs entre économistes. Devons-nous valoriser les produits au travail incorporé dans leur fabrication ? Le prix n’est-il que le résultat d’une offre et d’une demande ? Dans quelle mesure dépend-il de la rareté ?

Néanmoins, pour les produits industriels, certains critères objectifs peuvent faciliter la tâche. Un marteau par exemple est un bien standardisé et utilitaire qui ne pose pas d’insurmontables difficultés. Entre deux marteaux, nous pouvons plus ou moins estimer la qualité sur des critères objectifs (matériaux utilisés, montage plus ou moins solide), les fonctionnalités de chaque produit (taille et surface de la masse, arrache-clou ou non…) et fixer un prix minimum qui couvre les coûts de production.

Mais si je décidais de vendre cet article, sur quels critères établir son prix ? Sur le temps que j’y ai consacré ? Cela n’aurait aucun sens … Sur sa qualité ? Mais comment la mesurer ? En comparant les prix de vente d’un article similaire ? Mais sur quels critères le comparer ? A minima, si j’avais un support matériel, un magazine papier par exemple, je pourrais fixer un prix et trouver une sorte de business model. Mais ce billet n’est qu’un assemblage de pixels, un simple petit courant électrique sans réalité physique …

N’étant pas véritablement un avoir, ne fonctionnant pas sur le schéma manque/excédent et ne pouvant être estimée sur des bases suffisamment solides, on voit que la production intellectuelle ne saurait être soumise aux même lois d’échanges que celles qui prévalent sur le marché des biens et des services traditionnels.

Comment valoriser cette production ?

Si vous êtes parvenus jusqu’à ces lignes et que vous aspirez à vivre du fruit de vos œuvres intellectuelles, artistiques ou culturelles, tout ceci pourrait vous paraître un peu décourageant.

Nous parvenons à un point où l’on commence à réaliser qu’il n’y a plus vraiment de rétribution matérielle solide pour les productions intellectuelles.

Mais ne désespérons point ! Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de formes de rétribution à la production intellectuelle ! Il existe d’autres manières d’être rétribué pour son travail, en voici quelques exemples :

  • rétribution en visibilité
  • rétribution en réputation
  • rétribution en confiance
  • rétribution en connaissances
  • rétribution en relations
  • rétribution en amour-propre

Certes, cela ne fait directement gagner de l’argent mais ces rétributions peuvent rapidement se transformer en apports matériels. Sans vouloir nécessairement chercher un “effet de levier” systématique entre l’activité de production intellectuelle, les répercussions du travail de production intellectuelle rejailliront sur vos activités complémentaires et pourront indirectement vous permettre de vivre mieux.

Un musicien par exemple, ne peut plus se contenter de créer des chansons, il doit monter sur scène. Et l’on observe qu’avec la diffusion plus large, plus rapide et beaucoup moins couteuse que permettent les nouveaux médias, les recettes générées par les concerts à travers le monde atteignent des niveaux exceptionnels.

On remarque aussi que certains artistes amateurs ayant réussi à se faire remarquer pour leurs créations ont pu trouver grâce à leur notoriété et au soutien d’un public de quoi vivre de leurs créations. L’humoriste Jon Lajoie a commencé sa “carrière” en diffusant gratuitement des vidéos sur YouTube. Il remplit désormais des salles entières.

En somme, ce qui devient difficile, c’est de vivre uniquement de ses oeuvres intellectuelles et de les vendre pour elles-même.

Je me souviens d’un excellent article lu sur OWNI. Guillaume Henchoz, un journaliste semi bénévole qui exerce d’autres activités rémunérées par ailleurs, comparait sa condition à celle d’un moine en défendant l’idée que “l’on peut pratiquer le journalisme comme un art monastique et bénévole, en parallèle -et non en marge- d’une activité salariée.”

Ora et Labora (prie et travaille), c’est la devise des moines bénédictins. Une devise qui pourrait bien convenir aux acteurs de la production intellectuelle à l’heure numérique. Les moines n’attendent pas de rémunération matérielle pour leurs efforts spirituels.

Ils récoltent des fruits de leur travail physique, de quoi subvenir à leurs besoins physiques et espèrent obtenir des fruits de leur travail spirituel et intellectuel de quoi nourrir les besoins de leurs esprits.


Article initialement publié sur Mutinerie.

Illustrations Flickr Partage selon les Conditions Initiales Paternité gadl & Paternitéedenpictures / Mutinerie

Image de Une Flickr Paternité Partage selon les Conditions Initiales Pas d'utilisation commerciale A. Diez Herrero

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Consommation collaborative: “garçons, un café!” http://owni.fr/2011/08/16/consommation-collaborative-%c2%ab%c2%a0garcons-un-cafe-%c2%a0%c2%bb-starbucks-carte/ http://owni.fr/2011/08/16/consommation-collaborative-%c2%ab%c2%a0garcons-un-cafe-%c2%a0%c2%bb-starbucks-carte/#comments Tue, 16 Aug 2011 15:06:33 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=76311

Il existe une tradition dans les cafés napolitains. Lorsque ceux-ci sont remplis de cols blancs en manque de caféine, prenant leur pause ou discutant affaires, il peut arriver qu’au lieu de faire l’appoint, le client transforme sa monnaie en caffe’ sospeso (littéralement, “café en suspens”). Il permet ainsi au malheureux qui n’a pas de liquide et de boire tout de même son café. Pour cela, il lui suffit de passer la tête et de demander au barman s’il reste un café pré-payé.

Caffe’ sospeso americano

Cette tradition a aujourd’hui traversé l’Atlantique, grâce à un individu et un peu de technologie. Alors qu’il teste une application lui permettant de relier sa carte de paiement chez Starbucks à son téléphone, Jonathan Stark se retrouve confronté à un dilemme: l’application est inutilisable tant sur son iPhone que sur son Nexus. Malin, il fait une copie d’écran de la carte virtuelle depuis l’iPhone pour l’utiliser avec le Nexus. Arrivé au comptoir, il présente l’image, et parvient à payer son café.

Épaté de pouvoir payer avec une simple image, il s’empresse de le raconter à ses lecteurs sur son blog, le 14 juillet au matin. Avec, en illustration, la fameuse image qui lui permettait de payer. Pour que les lecteurs puissent vérifier par eux-mêmes, il a crédité sa carte de 30 dollars et leur a proposé d’essayer dans leur Starbucks habituel.

La carte est vidée rapidement et il remet 50 dollars pour permettre aux habitants de la Côte Ouest d’essayer à leur tour. Le 15 juillet, un de ses amis crédite la carte depuis le site de Starbucks. Le 18 juillet, il créé une API pour permettre aux gens de savoir combien d’argent il reste sur la carte. Une page dédiée, un compte Twitter et une page Facebook suivent rapidement.

Le petit jeu d’un développeur américain devient une “social experiment

Un monde où tout le monde peut avoir du café gratuit n’existe pas. Mais heureusement, des gens créditent régulièrement la carte. La douce vie de l’expérimentation sociale commence, cheminant tant dans les médias technophiles que sur les télévisions. Jonathan Stark doit sûrement y trouver son compte, puisqu’il a l’occasion de parler de lui.

Des jaloux le soupçonnent d’ailleurs de n’être qu’un infâme publicitaire produisant du buzz gratuit pour la plus grande chaîne de cafés au monde. Mais il n’en est rien. La multinationale déclare simplement :

Starbucks n’a pas connaissance du projet de Jonathan Stark, et n’a aucun lien avec lui, ou l’entreprise pour laquelle il travaille. Starbucks pense que son projet est intéressant et nous sommes flattés qu’il utilise Starbucks comme une partie de son expérimentation sur le “paiement en avance”.

Jolie petite histoire donc, qui crée d’ailleurs des émules puisqu’un certain Craig a également mis sa carte à disposition.

Les bobos offrent des cafés aux bobos

Pour autant, la petite anecdote sympathique ne fait pas que des heureux. Sam Odio, un entrepreneur un peu exaspéré par les bons sentiments émanant de cette expérimentation dans laquelle les bobos offrent des cafés aux bobos —“yuppies buy other yuppies coffee” — a décidé de se pencher sur la carte Starbucks de Jonathan, et de la détourner de son objectif initial.

Il crée donc une petite application lui permettant de savoir lorsque la carte en question contient une quantité importante d’argent. Il se rend ensuite dans son Starbucks pour acheter des cartes cadeaux, et réussi ainsi à cumuler 625 dollars.

Il a ainsi mis aux enchères sur eBay une carte contenant 500 dollars. L’intégralité de la somme obtenue sera reversée à une association caritative :

Suis-je le seul à penser que d’offrir à son prochain fix de caféine à un étranger n’est pas ce dont nous devrions nous préoccuper aujourd’hui ?

La réaction de Jonathan Stark face à ce hack ressemble à celle de Dieu après avoir offert la Terre aux Hommes :

J’ai n’ai fait que créer un outil, il n’y a rien à faire. Je pense que les gens n’auront que ce qu’ils méritent, en bien ou en mal.

Car Jonathan lui-même ne crédite plus sa carte et, à la manière du caffe’ suspeso, on suppose que les gens qui s’offrent un café avec l’argent des autres n’hésiteront pas à recréditer la carte par la suite.

Un simple retour d’ascenseur, ou comment comprendre le désarroi de Dieu.

[màj - 19h30] – Le 12 août dans la nuit, la carte de Jonathan a été désactivé, suite à l’action de Sam Odio. Jonathan déclare sur son site que ce n’est que le commencement de quelque chose de plus grand, et que les gens n’hésiteront plus à payer en avance pour d’autres personnes.


Illustration Flickr PaternitéPas d'utilisation commerciale pure9

Publié initialement sur le blog d’Alphoenix

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La voiture individuelle: une idée bonne pour la casse! http://owni.fr/2011/06/28/la-voiture-individuelle-une-idee-bonne-pour-la-casse/ http://owni.fr/2011/06/28/la-voiture-individuelle-une-idee-bonne-pour-la-casse/#comments Tue, 28 Jun 2011 09:26:06 +0000 Bruno Marzloff et Aladin Mekki (Groupe Chronos) http://owni.fr/?p=71079 Ce dossier en trois volets explore la mutation du marché automobile. Que comprendre des signes que ne cesse de produire la demande ? Qu’entendre derrière ces initiatives brouillonnes de l’offre ? Quelle place pour les autorités dans ces perspectives de maîtrise des mobilités ? Quid du jeu d’acteurs qui chamboule les positions bunkerisées des constructeurs ? Comment le numérique urbain rend-t-il possible techniquement et économiquement des innovations de rupture ?

#1 La flambée des ventes en Chine, Inde… masque les reculs des marchés en Europe, Etats-Unis et un ralentissement de la croissance chez les premiers… Les mêmes causes produisant les mêmes effets, des signes de saturations se multiplient déjà en Chine.

#2 Les incitations fiscales des états agissent comme “effets d’aubaine” et reculent le constat d’une dégradation de la demande. Quand les pouvoirs publics prendront-ils la mesure de l’opportunité d’une filière productrice de valeurs et d’externalités positives ?

#3 Le glissement du marché vers des modèles de taille réduite et des modèles low cost masque une baisse en valeur du marché et une dégradation de l’auto comme produit phare des consommations. Pourquoi cet acharnement d’une logique consumériste des constructeurs quand les usagers réclament le droit d’usage ?

#4 La progression des ventes vers les flottes dissimule la chute des ventes aux particuliers. Début de l’ère des partages ?

#5 La stagnation du parc des véhicules particuliers cache une baisse des usages automobiles en portée et en fréquence. Quand la baisse des usages se convertira-t-elle en achats de services ?

#6 La stabilité de ce parc est trompeuse car si les zones captives de la voiture consolident leur demande, celle-ci s’érode depuis un certain temps dans les grandes villes. Quand la dimension contraignante des villes s’étendra t-elle aux autres territoires pour produire là aussi de l’innovation ?

#7 La vision d’une flotte électrique ne peut masquer qu’une voiture reste une voiture, avec des séquelles qui dépassent les maigres bénéfices de l’électrique. Quand les constructeurs admettront-ils que la valeur se déplace de l’objet – même électrique – au service ?

#8 Last but not least, derrière l’apparente crispation des automobilistes sur “leur” voiture personnelle, on entrevoit un puissant crédit d’avenir des usages de la voiture publique et de la VDA (la “voiture des autres”). Comment transformer ce désir en offres pertinentes ?

La batterie de constats (“Peak-Car” ou les futurs de l’auto) pose plus de questions qu’elle n’en résout. À tout le moins, on sait que le marché réagit à la première alerte du prix du carburant ou quand l’État dégaine ses subventions ou encore lorsque les congestions se font insupportables.

In fine, mêmes les instances publiques en conviennent par le truchement du Centre d’analyse stratégique :

Le système automobile tel qu’il s’est bâti au fil du 20e siècle n’est plus soutenable.

Les constructeurs aussi se rendent à l’évidence : « Pour Vincent Besson, directeur du plan produit de PSA, c’est la première révolution copernicienne du secteur. ‘Nous devons passer de la voiture à la mobilité’. » (Next/Libération, 4 juin). Les mêmes mots, à un mot près (« Nous devons passer du transport à la mobilité »), répété à l’envi depuis des années par Georges Amar et sous d’autres formes dans ces colonnes. Cela passe, qu’on le veuille on non, par le « peak car », c’est-à-dire l’inverse de ce qui se fait depuis un siècle, donc renier les canons de la croissance et l’extension du parc. Dieu qu’il est difficile de se tirer une balle dans le pied !

Un espace sur-occupé par une voiture sous-utilisée

Il faut donc s’attendre à des changements de cap majeurs. Au premier janvier 2010, le parc automobile français comptait 37,4 millions de véhicules, soit près de 600 voitures pour 1.000 habitants. Plus d’une voiture pour deux habitants pour des véhicules comportant en général quatre ou cinq places, plus de 60% des ménages qui détiennent au moins une seconde voiture, et cela dans un pays où la population est urbaine à 82%

Même en tenant compte de l’étalement urbain et de l’inflation des déplacements, on comprend vite que l’équilibre de l’équation « parc disponible = nombre de déplacements et ± nombre de places de stationnement » se fait au prix d’une large sous-utilisation du parc et d’une non moins large sur-utilisation du stationnement urbain. Les modes de vie épousant ce modèle ont renforcé la logique de la voiture individuelle et de « la ville occupée » (par la voiture). On ne connaît pas la source du chiffre de 5% de taux d’utilisation moyen d’une voiture, mais il est largement repris et semble intuitivement correct. On sait en revanche que le taux d’occupation de la voiture en usage est dérisoire (1,1 personne par voiture pour les trajets pendulaires et 1,6 pour les déplacements liés aux loisirs).

C’est là que se joue la suite de l’histoire, dans la recherche d’autres productivités. Mais ces dernières bousculent radicalement des modèles d’usage bien établis, des modèles économiques lourdement ancrés, un cadre social qui a puissamment intégré la voiture et un territoire dont l’architecture a pris appui sur son développement. Aujourd’hui le premier vacille, les seconds chancellent, le troisième doute fortement et le quatrième est essoufflé. Revue d’une prospective du présent en adoptant une lecture volontariste, la seule qui vaille en la matière.

En France, les loueurs traditionnels, avec un parc de 150.000 automobiles, entreprennent d’explorer d’autres modèles. Ils ne sont pas les seuls. Selon l’EPOMM, il y aurait plus de 400.000 abonnés à un service d’auto-partage en Europe, principalement en Suisse (Mobility), en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et au Royaume-Uni. De son côté, Frost & Sullivan prédit que 5,5 millions d’Européens souscriraient à un programme d’auto-partage en 2016, soit – selon l’institut – quelques 77.000 véhicules en auto-partage. Qui assurera la gestion de ces flottes et dans quels modèles ? Constructeurs et prestataires en tout genres guettent les opportunités.

L’auto-partage est une solution d’avenir pour 47% des Français, 60% accordent un crédit d’avenir au covoiturage tandis que seuls 18% accordent le même crédit à la voiture particulière ; 82% des français ainsi pensent qu’il faut diminuer le nombre de voitures circulant dans les villes (TNS Sofres, “Auto-mobilités”, 2010). Chacun entrevoit derrière ces chiffres un marché de services énorme mais tous tâtonnent. Impossible en l’état de tracer des lignes entre les modèles émergents. Covoiturage, auto-partage public, privé, location de courte durée, transport à la demande, taxi collectif… les issues sont multiples et le resteront sans doute.

Face au modèle monolithique de la voiture particulière, tout dit que les offres seront demain plurielles pour offrir la plus grande flexibilité et s’adapter aux multiples situations de mobilité. Pour autant, les avancées s’opèrent dans la confusion. La plainte de l’Union des Loueurs professionnels contre Autolib’ souligne la remise en cause des périmètres acquis. Ils ne cesseront de l’être dans cette quête d’équilibre. Tour d’horizon des partages et des remises en cause.

Moins de ventes, plus de services

Un analyste américain recourt à la métaphore du schéma de Ponzy (cf. Madoff) pour signifier la fuite en avant insoutenable mais pourtant irrépressible des infrastructures publiques. La seule solution pour éviter une dégringolade de la Pyramide est de trouver des solutions de productivité drastiques ; non dans le carburant ou la motorisation mais dans le service de la voiture. « On peut tripler ou quadrupler la capacité du système routier », affirme The Transport Politic, en animant le partage automobile.

Faire de l’auto une ressource collective et améliorer sa productivité, là s’arrête la ressemblance entre les offres. Le covoiturage partage des trajets ; l’amélioration de la productivité qu’il apporte tient à l’augmentation du « taux d’occupation » du véhicule et donc à la réduction du nombre de voitures en circulation à un même moment. Avec l’auto-partage, on agit sur le « taux d’usage », soit le nombre de déplacements. Les résultats pour la collectivité sont les mêmes. Pour cumuler leurs effets et maximiser « le taux d’utilisation », il faudrait que le système soit sacrément huilé. Ce qu’il n’est pas encore.

On commence à entendre que les taxis déclinent ces principes depuis longtemps et peuvent consolider leur statut de transports collectifs; d’autres systèmes aussi – moins répandus – comme le transport à la demande – se proposent. Des développements sont à attendre sur des registres divers : accessibilité, stationnement, retour au point de départ, abonnement, tarif, places de marché et plus généralement toutes les formes d’intégration de la voiture au marché unique des mobilités.

L’innovation se développe grossièrement sur deux voies très différentes, voire antinomiques. La voie classique, portée par la modernité de la machine, explore les petits modèles, le carburant électrique, la sobriété énergétique, les automatismes… L’autre piste admet que le salut de la voiture n’est plus dans l’objet. Donc on parle « modèle ». Tiraillés entre la logique industrielle et capitalistique d’une fatalité de la croissance d’une part et un modèle serviciel qui signe la décroissance à terme des ventes, les constructeurs sont forcément schizophrènes et les acteurs concurrents sont en embuscade, voire déjà dans la place.

Ainsi, ce n’est pas un constructeur qui signe la première grande opération publique-privée d’auto-partage. Avec Autolib’, Bolloré investit 200 millions d’euros – autant dans la batterie que dans des modèles d’usage actuels –, prenant des risques qu’aucun constructeur n’envisageait. « Notre hypothèse, dit Vincent Bolloré aux Echos, c’est que nous compterons plus de 100.000 abonnés au bout de la troisième année et neuf utilisateurs par jour et par voiture soit à peu près neuf heures d’utilisation journalière d’un véhicule. A partir de là, nous commencerons à gagner de l’argent. » Sans doute optimiste !

Ce n’est pas non plus un constructeur, ni même un loueur, qui prend un autre risque – celui de l’autopartage privé, au milieu d’autres initiatives – c’est un réseau de… mobilités, Mobivia. Ces différences de logiques et de trajectoires troublent un marché établi et se concluent dans une offre hétérogène, souvent brouillonne. L’innovation bat son plein avec des modèles loin d’être stabilisés. Quels acteurs tireront leur épingle du jeu ? Ceux qui auront une vision globale, car toutes ces offres s’inscrivent dans une logique de « gestion de flotte » professionnelle et particulière, elle-même enchâssée dans un « marché unique des déplacements ».

La voiture, un transport en commun en devenir ?

Le récent succès de l’introduction du pionnier ZipCar à la bourse de New York étonne quand on sait que l’entreprise est déficitaire depuis dix ans. Il étonne moins quand on connaît son expansion régulière, l’enthousiasme des usagers, sans oublier la récente rafale d’annonces dans ce secteur (une chronologie de l’autopartage sera publiée dans le volet 3). Les loueurs automobiles étaient concentrés sur des locations de longue et moyenne durée adressée aux entreprises. Pour les locations au fil de l’eau (en France, dix millions de locations l’an passé, en augmentation de 6,7% sur un an), la clientèle bascule brutalement vers les particuliers et vers les jeunes. La clientèle loisirs génère désormais 60% de l’activité contre 30% il y a 15 ans (source Les Echos).

La prochaine étape est celle de la flexibilité – des durées courtes et variables – et de la complétude – la couverture garantie des divers usages. L’auto-partage classique en effet n’y suffit pas. Il ne fait qu’une partie du chemin, celui des déplacements de proximité. On peut avoir aussi besoin d’une voiture pour un week-end ou des vacances. Plusieurs y ont pensé. Sauf qu’aucun réseau n’a la granularité suffisante pour servir toutes les occurrences et toutes les échelles de mobilités. Cela soulève les enjeux de la station, du stationnement et de leurs réseaux, condition incontournable des développements des partages et d’une marché intégré des transports.

L’auto-partage rend accessible un parc de voitures en location de très courte durée, à l’image du Vélib’ pour les vélos. Les options – avec retour à la base ou non, communautaire ou non, électrique ou non, intégré ou non, privé ou public… – multiplient les combinaisons. De fait, la location très courte durée n’est plus loin de l’auto-partage public, posant la question de son statut. Hors c’est précisément la raison pour laquelle les loueurs ne veulent pas reconnaître la mission de service public accordée à Autolib’. Face à cette situation, en Amérique du Nord la Car Sharing Association entend consolider la dimension éthique de l’auto-partage, excluant les sociétés de location (voir l’entretien Chronos de Marco Viviani, Communauto).

La ville d’Hoboken aux Etats-Unis a mis en place un service d’auto-partage avec Hertz pour affronter les limites insurmontables du stationnement. C’est dire le rôle crucial du stationnement dans l’auto-partage. C’est la chance des partages : garantir des places de stationnement pour les voitures servicielles. La maîtrise du stationnement en surface est aussi l’opportunité que les villes doivent saisir pour orienter le marché. Le stationnement préférentiel accordé à Autolib’ (750 euros la place, soit 2 € par jour) signe sa mission de service public. Ce tarif s’analyse comme une subvention quand il est mis en balance avec le coût de création d’une place de parking souterrain à Paris, 20.000 € à 30.000 €. La voiture devient un service public de facto.

L’objectif est alors de trouver un nouvel équilibre entre l’espace (fixe ou mobile) dédié à la voiture en ville et aux autres modes qui en ont cruellement besoin. Donc favoriser la réduction progressive de l’emprise de stationnement pour les voitures particulières, si l’analyse est conséquente. L’histoire parisienne récente montre la voie. A Paris, on est passé de « gardez votre voiture, mais ne l’utilisez pas » (incitation au parking résidentiel), à « si vous circulez, ce sera moins vite » (la multiplication des zones 30). Il manque encore de franchir un pas vers « et si vous circuliez autrement » qu’esquisse timidement Autolib’. Une question de temps. L’épisode récent du recul politique sur l’affaire des radars rappelle qu’il faut être habile à la manœuvre pour franchir les étapes suivantes.

Les automobilistes sont plongés dans de multiples contradictions, enkystés dans un siècle de pratiques assidues d’un système automobile qui a façonné leur quotidien et redessiné leur territoire. Résultats ? Ils évaluent leur budget automobile à moins de la moitié de sa réalité. Ils se réclament des valeurs de la liberté automobile, oubliant le stress des congestions. Ils célèbrent la résidence à la campagne en se masquant les budgets temps, pollution et économie des servitudes automobiles. Et soulignent, à juste titre, l’absence d’alternatives. Ils réclament furieusement moins de voitures, au moins en ville, depuis longtemps mais persistent dans son usage. En 1998 déjà, La vie du rail titrait en double page, « Les Français sont croyants mais pas pratiquants. » Si les dimensions utilitaires de la voiture prennent le pas sur ses valeurs statutaires et ses promesses imaginaires, tout reste à faire. Mais il semble bien que le « peak car » ne soit plus loin. A suivre…

Billet publié initialement sur le blog de Groupe Chronos sous le titre “Peak-Car” ou les futurs de l’auto (1) et Du Parc à la Flotte ou les futurs de l’auto (2).

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Mobilité partagée : en route pour l’âge de l’accès ! http://owni.fr/2011/06/21/mobilite-partagee/ http://owni.fr/2011/06/21/mobilite-partagee/#comments Tue, 21 Jun 2011 06:26:41 +0000 Antonin Léonard http://owni.fr/?p=70846 Il y a dix ans était publié L’âge de l’accès de Jérémie Rifkin, dans lequel l’auteur américain annonçait l’arrivée imminente d’un nouvel âge du capitalisme et d’une société fondée sur l’accès aux biens :

Le rôle de la propriété est en train de subir une transformation radicale. Les conséquences de cette révolution sont d’une portée fondamentales pour notre société. […] D’ici à 25 ans, l’idée même de propriété paraîtra singulièrement limitée, voire complètement démodée. […] C’est de l’accès, plus que de la propriété, que dépendra désormais notre statut social.

Dix ans après, cette prophétie semble se concrétiser : les premiers signes sont en tout cas suffisamment révélateurs pour que d’autres éditorialistes et auteurs de renom reprennent aujourd’hui cette prophétie à leur compte. « Un jour, nous regarderons le XXème siècle et nous nous demanderons pourquoi nous possédions autant de choses » affirmait ainsi récemment Bryan Walsh dans TIME Magazine qui consacrait  la Consommation Collaborative comme l’une des dix idées amenées à changer le monde. Pour Lisa Gansky, auteur de The Mesh, « nous nous dirigeons vers une économie où l’accès aux biens s’impose sur leur possession ». Cette économie est-elle vraiment sur le point d’émerger ? Voici une manifestation emblématique d’un mouvement qui s’accélère depuis quelques mois.

Symbole de ce mouvement : la mobilité partagée

Parmi les statistiques les plus marquantes de cette nouvelle économie, la mobilité tient le haut du pavé. Les systèmes de vélo partagé drainent ainsi plus de 2,2 millions de trajets chaque mois dans le monde. A Hangzou (en Chine), la plus grosse communauté de bike-sharing au monde, ce sont plus de 240.000 trajets qui sont effectués chaque jour grâce aux 50.000 vélos (soit le double du Vélib’ à Paris) et aux 2.000 stations disponibles.

Le vélo partagé est aujourd’hui la forme de transport  qui connaît la plus forte croissance dans le monde et la voiture partagée devrait rapidement lui emboîter le pas. La voiture cristallise en effet les critiques du consumérisme et de notre mode de vie non durable. La génération des 20-30 ans, aussi appelée Y, est semble-t-il en train de se détacher à une vitesse insoupçonnée de l’objet voiture, ce qui n’est pas pour plaire aux premiers concernés, les constructeurs automobiles, nous dit John Elkington dans Le Guardian.

Ce qui effraie véritablement l’industrie automobile est le fait que les jeunes se mettent à envisager différemment la possession d’une voiture. Au contraire des générations précédentes, pour lesquelles posséder une voiture était un signe d’indépendance, de succès, les jeunes sont aujourd’hui considérablement moins enclins à posséder leur propre voiture.

Un rapport récent du GWL Realty Advisors sur les facteurs de l’habitat urbain au XXIème siècle notait ainsi :

De plus en plus d’études montrent que les jeunes générations ont un rapport différent à l’automobile, qui n’est plus vue comme vecteur de liberté. Au lieu de cela, les technologies numériques portables – qu’il s’agisse de smartphones, d’ordinateur portable, ou MP3, etc -leur fournissent un moyen alternatif d’expression personnelle les rendant libres de faire ce que bon leur semblent… Il apparaît que les jeunes générations trouvent moins d’intérêt à la voiture, s’installer dans des villes bien desservies et adaptées aux piétons correspondant à leurs styles de vie naturels.

Le développement de l’auto-partage

Conséquences de ce nouveau rapport à la voiture, les formes de partages de la voiture se développent et se démocratisent. Le secteur de l’autopartage pourrait toucher 5,5 millions de personnes en Europe d’ici 2015, d’après des estimations. En France, le covoiturage sur les longs trajets fait de plus en plus d’adeptes, au point que les réseaux autoroutiers vont créer prochainement des aires de stationnement spécialement dédiées. Covoiturage.fr, le leader français du covoiturage compte désormais plus de 1 million d’utilisateurs, dont 600.000 nouveaux inscrits au cours des douze derniers mois. Un chiffre très loin du potentiel selon Frédéric Mazzella, fondateur de Covoiturage.fr, interrogé par Le Parisien :

Un million d’utilisateurs, c’est très peu par rapport à leur nombre potentiel. Je suis convaincu que nous pouvons passer en quelques années la barre des 5, voire des 10 millions de membres.

Un optimisme confirmé par plusieurs études, notamment une étude réalisée par TNS Sofres pour le groupe Chronos sur les transports du futur tels que perçus par les consommateurs : le covoiturage arrive en première place devant les transports publics, l’autopartage et le vélo, la voiture personnelle fermant la marche.

Autre enseignement de cet étude : pour 51% des Français, l’essentiel des déplacements en 2030 se fera dans des véhicules partagés.

La location de voitures entre particuliers est sans conteste le secteur le plus disruptif de cette nouvelle forme de mobilité partagée et pourrait rapidement devenir l’illustration la plus notable de ce mouvement. Aux États-Unis, le pionnier RelayRides a récemment reçu un investissement de plus de cinq millions de dollars de la part de Google tandis que GetAround, son concurrent principal remportait il y a quelques semaines un concours majeur des startups les plus prometteuses, le TechCrunch Disrupt. En France, six acteurs se sont déjà positionnés sur le marché de la location de voitures entre particuliers (soit le record mondial) :

  • Zilok (qui propose déjà 2500 voitures à la location : interview de leur CTO Marc Lebel ici)
  • Voiturelib (qui annonce un volume d’affaires de 250 000 € depuis son lancement, je vous renvoie à l’interview du fondateur Paulin Dementhon que j’avais réalisée)
  • Deways (“kickstarté” par Alexandre Grandremy et Gary Cohen, voici leur interview)
  • Livop (mené à vitesse grand V par Kieran Connolly, interview ici)
  • Cityzencar (dont l’approche est très prometteuse, l’interview d’un des co-fondateurs David Laval date un peu ; en attendant d’en réaliser une nouvelle, vous pouvez consulter cette excellente présentation qu’a réalisé Nicolas Le Douarec, l’un des autres co-fondateurs, sur l’émergence de la société collaborative)
  • et le dernier arrivé Buzzcar, avec à sa tête Robin Chase (fondatrice et ex-CEO de Zipcar, leader mondial de l’autopartage et citée parmi les 100 personnalités les plus influentes par le TIME en 2009). Elle expliquait récemment lors d’un évènement à La Cantine consacré à l’économie du partage (merci à Innov’in the City pour le compte-rendu) :

Dans les grandes villes, l’idée de l’auto-partage doit devenir une évidence pour tous [...] La surcapacité et la surpopulation de voitures dans les villes rendent impérative l’idée d’auto-partage entre particuliers. Même les petites entreprises avec des petites flottes de voiture peuvent mettre leurs véhicules à disposition.

Quel sera le futur de la mobilité et comment les constructeurs répondront à ce mouvement qui semble maintenant enclenché ? Nous en saurons plus bientôt.


Article initialement publié sur le blog Consommation Collaborative

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Pour une économie durable: la e-frugalité http://owni.fr/2011/06/09/economie-durable-e-frugalite/ http://owni.fr/2011/06/09/economie-durable-e-frugalite/#comments Thu, 09 Jun 2011 16:25:24 +0000 Jean-Pierre Corniou http://owni.fr/?p=67053 Les tensions sur les marchés de matières premières n’ont jamais atteint un niveau aussi élevé. La population de la Terre est passée de 800 millions en 1800 à 7 milliards d’habitants en 2012. Dans tous les domaines, les réserves prouvées s’amenuisent. Les terriens auraient déjà consommé en 200 ans la majorité des ressources non renouvelables connues de la planète et accessibles… Et quand bien même on saurait, par l’exploration de nouveaux territoires, repousser ces limites (non sans risque ni sans coût supplémentaire) le problème de l’exploitation du « réservoir Terre », qui par principe est fini, se posera à long terme pour les générations futures.

Le constat est sans équivoque, partagé par toute la communauté scientifique internationale et atteint aujourd’hui les milieux économiques.

Source : Programme des Nations Unies pour l’Environnement, mai 2011

Malthus et les Chinois

Si la question du risque d’épuisement des ressources naturelles n’est pas nouvelle et a donné lieu à d’innombrables controverses, elle se pose aujourd’hui dans un contexte radicalement nouveau : celui de l’apparition de deux acteurs massifs, la Chine et l’Inde.

Ces deux pays aspirent au cours du XXIème siècle à faire bénéficier leur population de 2,5 milliards de personnes d’un niveau de vie comparable à celui atteint à la fin du XXème siècle par les pays développés. Rien ne les empêchera de le vouloir et de tenter d’y parvenir. Personne ne peut légitimement s’y opposer.

Ce qui est nouveau dans le paysage mondial, c’est que la Chine, qui est dans une phase unique de construction de ses infrastructures, pèse entre le tiers et la moitié de la consommation mondiale d’acier, de minerai de fer, de ciment, de plomb, de zinc, d’aluminium, de cuivre, mais aussi de porcs et d’œufs… Nous ne sommes plus dans les échelles de grandeur de l’Angleterre du début du XIXème siècle !

Dans son ouvrage Effondrement paru en 2005, consacré à l’analyse de causes multiples ayant entraîné la disparition de sociétés, l’universitaire Jared Diamond , propose, à partir de l’analyse des cas qui forment la trame de son livre, un modèle sur les facteurs qui contribuent à la prise de décision en groupe :

  • un groupe peut échouer à anticiper un problème avant qu’il ne survienne vraiment
  • lorsque le problème arrive, le groupe peut échouer à le percevoir
  • ensuite, une fois qu’il l’a perçu, il peut échouer dans sa tentative pour le résoudre
  • enfin il peut essayer de le résoudre, mais échouer.

Dans notre société démocratique, la gestion du futur est un des problèmes les moins faciles à traiter. Car nous sommes sur un terrain miné ! Une société autoritaire peut assumer le coût de décisions de long terme impopulaires. Haussmann a pu créer le Paris moderne car il ne s’est pas encombré de débats sur les conséquences de ses actes, notamment le bouleversement de la structure socio-économique de la ville. Et Paris aujourd’hui, 140 ans plus tard, demeure une ville assez équilibrée dans son organisation et son aptitude à se moderniser. Comment fonctionnerait aujourd’hui le Paris médiéval de 1852 ? La vision chinoise est une démonstration de la capacité de ce type de régime à assumer des décisions longues, ce qui n’implique pas nécessairement qu’une décision technocratique soit éclairée ou qu’une décision démocratique ne soit qu’un arbitrage mou entre intérêts de court terme.

Néanmoins, prendre des décisions implique toujours d’engager le futur avec une vision plus ou moins cohérente, structurée, anticipatrice. Notre gestion de la ressource pétrolière est une belle démonstration. Depuis les premiers avertissements du Club de Rome, accueillis avec sarcasme en 1972, la société, continue collectivement à exacerber la préférence pour le présent au détriment de notre responsabilité envers le futur. Cette société limitée et égoïste a démontré ses limites dans l’emballement financier de 2008, mais, au-delà des intentions réformatrices, cette préférence pour le présent continue à satisfaire largement les intérêts des dirigeants politiques et économiques. Il est clair que peu de décideurs ont la fibre sacrificielle pour risquer leur mandat face aux électeurs ou aux actionnaires en sortant des sentiers balisés de la continuité. Et d’ailleurs la vraie difficulté est de concevoir un modèle qui serait « meilleur » que le système actuel. Nous sommes dans un domaine où la globalisation rend l’expérimentation extrêmement difficile à pratiquer et pour lequel n’existe pas de référence historique. Nous sommes condamnés à inventer sans filet…

Le roi est nu…

Or, si nous ne savons pas vers quel modèle nous diriger, si nous sommes incapables de prendre des décisions collectives au niveau du « vaisseau spatial Terre » comme l’échec de Copenhague et les piètres résultats des G8 et G20 successifs le démontrent, nous savons que nous sommes proches des limites du modèle du XXIème siècle. Notre société moderne qui assiste avec Fukushima à la concrétisation d’un de ses pires cauchemars, vit la démonstration en temps réel que même lorsque le risque est pensé, préparé, il peut quand même arriver et conduit à une formidable régression de tous les avantages que le progrès nous a apportés.

« Christmas in 2050 »

Il suffit de voir comment vivent encore maintenant au Japon, dans un des pays les plus technologiquement avancés de la planète, les dizaines de milliers de réfugiés, comme les centaines de milliers d’Haïtiens, un des pays les plus pauvres de la planète, pour constater qu’en très peu de temps n’importe lequel d’entre nous peut se retrouver dans une situation durable de dénuement et de détresse.

Comment passer d’une attitude résignée ou insouciante à l’action ? Comment réconcilier une économie de croissance, qui apparaissait comme la moins mauvaise réponse à nos aspirations individuelles et à nos besoins sociaux planétaires, à une économie de responsabilité, conciliant besoins présents et besoins futurs ? Comment réduire ou éliminer la consommation de ressources non renouvelables en cessant de grignoter notre capital naturel, dans une démarche de mise en cohérence des horizons courts et des horizons longs ? Comment traiter la question centrale de l’exposition aux risques sans paralyser toute initiative nouvelle ? Ce débat n’est pas nouveau. Jared Diamond prête aux dirigeants des civilisations disparues la capacité de s’être posé les bonnes questions. Mais ce sont les réponses qui ont été inopérantes. Et rien ne prouve que notre société, mondiale, informée, scientifique saura résoudre tous les problèmes que nous connaissons aujourd’hui et ceux que nous allons progressivement découvrir.

Or le débat est particulièrement difficile à documenter car s’opposent violemment deux clans irréductibles : les libéraux qui pensent que la science et le marché trouveront, au moment opportun, les bonnes réponses, même si le prix en est élevé ; et en face les adeptes de la décroissance qui estiment qu’il faut changer tout de suite de modèle économique en revenant à un statu quo ante mythique. On a tenté de forger un modèle de compromis, le développement durable, formalisé par une série de textes issue des réflexions partagées lors de la conférence des Nations Unies sur l’environnement humain à Stockholm dès 1972, puis dans le rapport Bruntland de 1987, et ultérieurement affinées. Même cette caution universelle n’a pas permis de déboucher sur des conclusions pratiques. Au contraire, l’année 2010 a vu croître la production mondiale de CO2 à un rythme plus rapide encore !

Tentons la formulation d’une alternative à chacun de ces deux modèles de base, aux dérivées multiples, que chaque camp aura tout loisir à rejeter dans l’autre.

La force de l’homme face à celle de la nature

Le XIXème et le XXème siècle ont été des périodes d’intense croissance économique centrée sur la mise à disposition par l’espèce humaine d’une formidable prothèse musculaire décuplant ses forces naturelles à l’aide de moyens mécaniques de plus en plus efficaces. La machine à vapeur, puis le moteur à explosion et l’électricité nous ont donné la capacité de nous transporter et d’exploiter les ressources naturelles à un niveau que les terriens n’avaient jamais imaginé pendant des millénaires. Le progrès était assimilé à la capacité d’exploiter les ressources naturelles, puisque la révolution industrielle a été le fruit de la rencontre de la maîtrise de sources d’énergie de plus en plus abondantes et la capacité à les exploiter pour inventer de nouveaux matériaux et de nouvelles machines. Et cette puissance était encensée et célébrée dans les Expositions Universelles comme l’expression ultime du rêve de la domination de l’Homme sur la nature… Le système technique mis en place entre 1850 et 1900 a totalement imprégné de son modèle tout le XXème siècle sans qu’il y ait de rupture fondamentale dans la manière de concevoir le développement économique servi par une énergie abondante et peu chère.

Mais aujourd’hui nous touchons les limites de ce modèle « mécanique ». Les vitesses de déplacement, qui ont été le marqueur le plus symbolique du progrès, sont aujourd’hui asymptotiques. Sur mer, le Queen Mary avait une vitesse de pointe de 29 nœuds en 1935. Son successeur, le Queen Mary 2 construit en 2003 atteint la même vitesse maximale de 29 nœuds. Le rail a été le domaine de prédilection des records de vitesse. Si la vitesse maximale de 574 km/h a été atteinte de façon expérimentale en 2007 sur la LGV Est, la vitesse commerciale des TGV se stabilise entre 300 et 350 km/h. Avec l’abandon de Concorde, le rêve du transport supersonique semble écarté pour longtemps et on se « contentera » longtemps d’une vitesse de croisière de l’ordre de 900 km/h. Enfin, la voiture individuelle qui n’a cessé depuis son origine d’être exploitée pour battre des records de vitesse, se cantonne partout dans le monde autour d’une vitesse maximale autorisée de l’ordre de 100 à 130 km/h. La vitesse n’est plus l’objectif majeur. Il faut réduire les consommations, préserver les infrastructures et ne plus jouer avec la vie humaine.

L’ère du savoir infini commence

Le biologiste et philosophe Julian Huxley, qui a joué un rôle clef dans le développement de l’UNESCO, écrivait en 1942, au cœur de la seconde guerre mondiale qui vit le déchainement des forces mécaniques, que « le progrès » comportait trois dimensions principales :

  • une maîtrise plus étendue de la vie sur son milieu
  • une indépendance plus grande par rapport aux changements qui se produisent dans ce milieu
  • une augmentation de la connaissance, de la complexité harmonieuse et de la capacité d’autorégulation

Cette définition d’un progrès équilibré entre l’homme, sa vie et son milieu, pourrait être une piste de réconciliation entre progrès scientifique et développement humain. Car une croissance responsable de l’anthroposphère doit dorénavant viser une empreinte minimale sur le milieu naturel. Elle doit être la plus faiblement consommatrice de ressources et de matières premières voire même productrice nette de ressources. Elle devra faire une place absolue à l’énergie électrique qui est aujourd’hui le vecteur d’énergie le plus efficace et peut être produite à partir de ressources renouvelables.

Contrairement, au XIXème siècle, l’enjeu est aujourd’hui de produire en consommant le moins possible de ressources non renouvelables et en les recyclant après usage. C’est la stratégie du “découplage” entre la croissance et la consommation des ressources naturelles.

Or il est un domaine qui connait une croissance exponentielle depuis l’origine avec une empreinte minimale sur ces ressources : les microprocesseurs. Autour du microprocesseur s’est construit un ensemble de méthodes et d’outils qui constituent les sciences de l’information et de la communication et dont l’application à tous les domaines de l’activité humaine nous dote d’une nouvelle capacité, une prothèse cérébrale.

Ce n’est plus la puissance physique qui est déterminante, mais la capacité de « mettre en relation » des facteurs pour faire émerger rapidement la meilleure solution. Nous passons de la main- d’œuvre, assistée par la machine mécanique, au cerveau d’œuvre, assisté par ordinateur. Nous transitons d’un monde qui recherchait l’efficacité vers un monde centré sur l’efficience. La société de l’information et de la connaissance sera-t-elle finalement le modèle recherché de développement durable conciliant niveau élevé d’utilités individuelle et collective et absence d’empreinte sur l’environnement ? C’est bien le troisième point souligné par Julian Huxley.

Comprendre pour agir avec discernement; orienter les comportements par les prix intégrant les valeurs du futur…

Connaître pour comprendre, comprendre pour prendre les meilleures décisions en analysant à l’avance les conséquences de ces décisions, intégrer tous les facteurs, dont le long terme : ce sont les nouveaux moteurs de l’action qui se déclinent dans une variété infinie de situations. En effet, pour utiliser moins de ressources, il faut être en mesure d’ajuster de façon précise le moyen utilisé au résultat visé. Cet ajustement doit être fin, évolutif, automatique. Ceci implique une capacité de modélisation et de pilotage de la réalisation dont nous étions jusqu’alors incapables. Ces outils offrent aussi la possibilité nouvelle de réguler à grande échelle les actions individuelles dans une cohérence globale permettant une optimisation énergétique mais également un niveau de satisfaction individuelle supérieur.

C’est l’objet des réseaux énergétiques intelligents, comme des réseaux de transport. Cette vision intègre également une réflexion de fond sur le sens du travail. Prenons le domaine des transports. Nous produisons des machines sophistiquées, les voitures, dont l’usage est tout à fait dérisoire par rapport à leurs capacités. Utiliser un moteur à explosion de 3 l de cylindrée, développant 250 cv, qui même à l’arrêt consomme de l’énergie et produit de la chaleur, conçu pour rouler à 250 km/h, pour se déplacer en ville à 15km/h est le comble de l’absurde. Faire rouler une berline de cinq places de 1,8 t sur 500 km pour déplacer son seul conducteur n’est pas plus efficace. Les réponses apportées par l’économie du service et de la connaissance sont aujourd’hui dans la consommation collaborative : le co-voiturage, l’autopartage et les différentes solutions de transport ferroviaire.

Partager est le premier moyen de consommer moins d’énergie. Naguère solution rigide, il est aujourd’hui possible grâce aux télécommunications et à la géolocalisation de le faire de façon souple et confortable. S’il faut favoriser le rapprochement des personnes pour exploiter tout notre potentiel de créativité, nous pouvons désormais le faire avec beaucoup plus de discernement en évitant les déplacements inutiles grâce aux outils de communication et de travail coopératif qui permettent avec peu d’énergie de renforcer la dynamique de l’échange. Si l’échange des biens physiques reste incontournable pour se nourrir, se vêtir, se loger, on peut désormais prendre des décisions informées sans se déplacer, optimiser ses choix en fonction d’objectifs plus larges, notamment l’empreinte environnementale par la durabilité des solutions et la recyclabilité des produits.

Gérer au mieux les ressources est également le fruit d’un intense travail de recherche et de modélisation sur les systèmes énergétiques, les matériaux, la production agricole, et sur les circuits logistiques. La conception assistée par ordinateur, la modélisation des comportements des systèmes complexes ont permis des progrès considérables en matière de création de nouveaux produits et de gestion de systèmes. Un téléviseur plat à LED consomme infiniment moins de ressources qu’un écran à tube cathodique en apportant un service supérieur. Trouver des solutions nouvelles en matière de production et de consommation d’énergie viendra de la recherche, facilitée par l’expérimentation, nourrie par les informations issues des politiques d’open data et d’open innovation alimentées par le web. On sait aujourd’hui produire un habitat a minima neutre sur le plan énergétique grâce aux matériaux. L’industrie a fait des progrès considérables en matière de consommation de fluides et de gestion des rejets, et apprend à recycler la plupart des matières premières consommées. Nous devons dans tous les domaines nous inspirer des solutions mises ne œuvre par la nature elle-même pour développer l’efficience énergétique et inventer de nouveaux systèmes. C’est le vaste champ du biomimétisme.

Mais si ces comportements sont encore minoritaires, c’est que le marché n’a pas encore intégré toutes les informations nécessaires pour les transformer en signaux prix suffisamment explicites pour que les comportements vertueux envers le futur ne soient pas le fruit de militants isolés. Le modèle doit devenir auto-piloté et les comportements être orientés par les prix intégrant les valeurs du futur. Quand le marché ne le fait pas de façon suffisamment rapide, la fiscalité doit y contribuer d’où toute l’importance économique des formules de taxe carbone et d’éco-taxes qui doivent clairement contribuer à l’optimisation des choix en faveur de la préservation des intérêts à long terme de la communauté humaine.

Certes, la gestion de l’information à grande échelle consomme également des ressources naturelles et de l’énergie. L’électronique est friande de terres rares, exploite l’énergie portable avide de lithium, l’informatique en nuage nécessite des centres de calcul consommateurs d’énergie électrique et les outils de la mobilité exploitent des ondes dont l’impact à long terme est méconnu. Mais la prise de conscience de l’industrie est acquise et les progrès déjà remarquables, même s’il faut encore trouver des solutions de recyclage plus efficaces.

L’information, moteur d’un monde frugal ?

La révolution du XXIème siècle empruntera largement cette voie. Tout n’y est pas résolu, ni simple. Mais au moment où les choix se font plus pressants, exploiter tout le potentiel d’une intelligence en réseau paraît indispensable, sans toutefois garantir sans effort un monde meilleur. Ceci implique pour les entreprises comme pour les collectivités le retour des investissements en techniques et process numériques. Mais dans cette nouvelle phase l’objectif ne serait plus l’augmentation de la productivité du travail, mais l’invention de nouvelles activités stimulantes, utiles, compétitives et neutres sur l’environnement.


Article initialement publié sur le blog de Jean-Pierre Corniou Technologies et société de la connaissance.

Crédit photos FlickR PaternitéPas d'utilisation commerciale Roberto ‘PixJockey’ Rizzato PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales alles-schlumpf PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales ecstaticist PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales PNNL – Pacific Northwest National Laboratory

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Partage, P2P… bienvenue dans l’économie collaborative! http://owni.fr/2011/05/17/nouvelle-economie-partage-consommation-collaborative-p2p/ http://owni.fr/2011/05/17/nouvelle-economie-partage-consommation-collaborative-p2p/#comments Tue, 17 May 2011 09:02:54 +0000 Antonin Léonard http://owni.fr/?p=62871

Un jour, nous regarderons le XXe siècle et nous nous demanderons pourquoi nous possédions autant de choses

affirmait récemment Bryan Walsh dans TIME Magazine qui consacrait  la Consommation Collaborative comme l’une des dix idées amenées à changer le monde. L’économie du partage se propage : du transport aux voyages en passant par l’alimentation, le financement de projets et la distribution, tous les secteurs ou presque voient cette nouvelle économie émerger. Pourquoi acheter et posséder alors que l’on peut partager semblent dire des millions d’individus. Les statistiques sont éloquentes, nous explique Danielle Sacks dans l’un des articles les plus complets sur l’émergence de l’économie du partage :

Alors que plus de 3 millions de personnes dans 235 pays ont déjà « couchsurfé », ce sont plus de 2,2 millions de trajets en vélo libre-service (tels que le Velib’ à Paris) qui sont effectués chaque mois dans le monde.

Tandis qu’Airbnb annonçait il y a quelques mois avoir dépassé le million de nuits réservées sur son site, en France, c’est covoiturage.fr qui a récemment franchi la barre du million de membres inscrits. Etsy, la plateforme C to C de référence pour vendre ses créations originales et artisanales, diffuse ses statistiques chaque mois dans la plus grande transparence et on les comprend, tant les chiffres sont impressionnants : 40 millions de biens vendus pour les 3 premiers mois de l’année, soit 77% de plus qu’à la même époque en 2010 et presque 400.000 nouveaux membres s’inscrivent chaque mois.

Neal Gorenflo, fondateur et rédacteur en chef du magazine Shareable m’expliquait récemment lors d’un échange qu’il m’a accordé :

On se rend compte que ce mouvement n’est pas qu’une tendance passagère. Les publications se multiplient, les consultants commencent à s’intéresser au phénomène, les politiques envisagent de nouvelles lois pour favoriser le développement de cette économie du partage, les startups font des levées fonds impressionnantes : tout converge pour nous faire dire qu’une nouvelle économie est vraiment en train d’émerger.

Alors que le secteur du prêt entre particuliers vient d’atteindre la somme de 500 millions de dollars aux États-Unis, les startups du partage enchaînent les levées de fond : 7 millions pour Thredup, site internet de troc de vêtements et de jouets pour enfants ; 1,2 million pour Gobble, qui a un modèle proche de Super-Marmite et permet de réserver et d’acheter des plats fait maison près de chez soi) ; 1,6 million pour Grubwithus, qui propose un service de colunching ou social dinner, mélange de Meetic et de Groupon.

De par la maturité des usages des nouvelles technologies et des applications mobiles, San Francisco et la Bay Area sont à la pointe de cette nouvelle économie qui prend de l’ampleur, au point que ces pratiques dépassent aujourd’hui le cadre des startups et intéressent les acteurs les plus traditionnels.

Distributeurs et constructeurs automobiles ont été les premiers à investir cette économie du partage. IntermarchéCastoramaIkea, proposent déjà aux gens de covoiturer, d’autres seraient en réflexion très avancée pour proposer des dispositifs de troc et de partage. Du côté des constructeurs automobiles, BMW a récemment fait une entrée remarquée en proposant une vraie solution d’autopartage (Volkswagen lui a emboîté le pas il y a quelques jours à peine), Peugeot et Citroën ont déjà lancé leurs offres de mobilité : respectivement Mu by Peugeot et Multicity ; enfin Norauto, qui est devenu Mobivia, s’est complètement réorganisé pour devenir un opérateur de mobilité : le lancement de Buzzcar (plateforme d’autopartage entre particuliers) par Robin Chase (fondatrice de Zipcar, leader mondial de l’autopartage et classée parmi les 100 personnalités les plus influentes par le TIME en 2009) étant l’illustration la plus notable de cette nouvelle stratégie.

« Les constructeurs automobiles qui voient l’autopartage comme une menace perdront du poids dans ce paysage en évolution » professe ainsi Shelby Clark, fondateur de Relay Rides (pionnier de l’autopartage entre particuliers outre-Atlantique).

Comment les secteurs les plus traditionnels répondront à ces évolutions ? Bien malin celui qui peut répondre à cette question. Une chose est néanmoins certaine : « il sera fascinant de suivre quels nouveaux modèles seront développés à partir des systèmes de Peer-to-Peer*, et quels secteurs traditionnels ils transformeront » concluait récemment Semil Shah dans un article consacré à l’économie Peer-to-Peer publié dans TechCrunch.

L’économie du partage se propage

Sans que nous nous en rendions forcément compte, nous nous mettrions donc à moins posséder, à privilégier l’usage et à partager davantage. Dans un contexte de crise économique  durable et de défiance vis-à-vis des grandes entreprises, ces expériences d’échange et de partage réussies interrogent nos comportements traditionnels de consommation. « Nous nous dirigeons vers une économie où l’accès aux biens s’impose sur leur possession » affirme Lisa gansky, auteur de The Mesh.

L’âge de l’accès décrit par Jérémy Rifkin serait-il effectivement en train de se concrétiser  ? Le changement culturel est-il suffisamment profond pour nous conduire à privilégier l’usage sur la possession ?

Une chose est certaine : les solutions alternatives réelles et fonctionnelles à la forme la plus traditionnelle de l’achat existent et se diffusent comme jamais auparavant, au point que l’argent, dans un contexte de turbulence des monnaies étatiques, soit lui aussi contesté.

Dès lors, les défenseurs des monnaies alternatives, locales, complémentaires se font entendre et apparaissent de plus en plus crédibles pour nous aider à envisager des formes d’encadrement des échanges régis par la générosité et/ou la réciprocité (voir le travail de mon ami Etienne Hayem alias Zoupic sur ce thème ou le projet « The Future of Money »).

C’est notre rôle de travailleur/consommateur qui s’en trouve du même coup transformé comme l’explique Rachel Botsman dans un article intitulé « The Everyday Entrepreneur » :

Les gens prennent conscience qu’ils disposent de ressources inexploitées (matérielles ou liées à leurs compétences) sources de valeur économique, sociale et durable – en moyenne par exemple, une voiture reste à l’arrêt 92% du temps – et qui représentent  des opportunités quotidiennes pour devenir micro-entrepreneurs ». Ces évolutions ne se sont qu’embryonnaires et le changement prendra du temps mais « la fulgurance des avancées technologiques, combinée à une évolution des mentalités représente une opportunité sans précédent pour transformer des secteurs, réinventer les services publics, dépasser les formes de consumérisme sources de gaspillage terrible et changer nos façons de vivre.

Cette transition nous pousse également à réfléchir à l’encadrement de ces échanges (si nous nous mettons effectivement à partager au sein de communautés nouvellement créées, comment générer et maintenir la confiance nécessaire entre inconnus ?), mais aussi à leur plus grande diffusion :  quel rôle doit jouer l’éducation par exemple ?

Voici quelques-uns des enjeux que soulèvent l’économie du partage (analysée et décryptée avec justesse par le magazine américain Shareable ) et le concept de consommation collaborative (développé par Rachel Botsman et Roo Rogers dans leur livre What’s Mine is Yours: The Rise of Collaborative Consumption).

La croissance des formes d’échanges directs entre particuliers que décrit la consommation collaborative a été notamment permise par l’avènement et la démocratisation des nouvelles technologies. Si les formes de troc et d’échange ne sont pas nouvelles, Internet et les systèmes Peer-to-Peer ont permis leur développement à une toute autre échelle, grâce à deux leviers :

  • Internet et les places de marchés Peer-to-Peer ont rendu possible le déploiement de masses critiques d’internautes intéressés par les mêmes types d’échanges en permettant et en optimisant la rencontre entre ceux qui possèdent et ceux qui recherchent (des biens, services, compétences, argent, ressources, …) comme jamais auparavant ;
  • Internet et les systèmes de réputation ont permis de créer et de maintenir la confiance nécessaire entre inconnus utilisateurs de ces systèmes d’échanges : qui aurait cru au succès d’Ebay il y a 15 ans et à la possibilité de se faire héberger chez un inconnu en toute confiance avant le lancement et le succès de Couchsurfing ? Derrière ces plateformes d’échanges se trouvent des systèmes de réputation (références, notation) des utilisateurs qui les incitent à « bien se comporter » et qui expliquent en grande partie leur succès fulgurant.

Différentes formes de partage

Jenna Wortham dans le New York Times , suggère de distinguer deux formes de consommation collaborative :

  • les formes où  l’on se regroupe pour acheter en commun -pour obtenir un meilleur prix ou savoir ce que et à qui on achète (comme la Ruche qui dit oui !) ou financer un projet sur le principe du crowdfunding (Kickstarter, en France UluleKisskissbankbank ou Wiseed) ;
  • les formes qui organisent  le prêt, le don, le troc ou l’échange de biens, de temps ou de compétences entre particuliers.

Rachel Botsman propose de distinguer trois systèmes de consommation collaborative, tels que présentés sur le schéma ci-dessous :

  • Les product service systems permettent de transformer un produit en service : l’autopartage, les vélos en libre-service ou encore la location (organisée par un intermédiaire ou entre particuliers) seraient à placer dans cette catégorie. Ces  plateformes s’inscrivent dans le cadre plus général de l’économie de fonctionnalité.
  • Les systèmes de redistribution organisent le passage de biens entre l’offre et la demande. C’est le principe du C to C et des plateformes comme PriceMinister, LeBonCoin mais aussi du troc, du don, de l’échange…
  • Les styles de vie collaboratifs regroupent les formules de partage de ressources immatérielles entre particuliers : espace, temps, argent, compétences. Couchsurfing,Colunching, Coworking, Cohousing, Prêts entre particuliers, Achats Groupés feraient ainsi partie de cette catégorie.

Une autre distinction selon les secteurs investis par cette économie du partage est également possible. Puisqu’on me questionne souvent sur l’origine et la pertinence de l’expression, je m’interroge avec vous : l’expression Consommation Collaborative est-elle appropriée, pertinente, suffisamment percutante pour désigner ces nouvelles formes de partage entre particuliers ? Ma réponse est oui car le terme collaboratif possède un historique, celui du travail collaboratif qui a eu un impact positif évident sur l’organisation du travail.

Tout comme le collaboratif appliqué à l’organisation du travail a permis de tirer un meilleur parti des ressources humaines, le collaboratif appliqué à la consommation engendre une optimisation des ressources naturelles et matérielles. Internet et les systèmes Peer-to-Peer investissent progressivement tous les espaces de notre vie quotidienne pour mieux les renouveler : il y a dans le collaboratif une idée d’optimisation mais aussi de rupture.

Après la révolution de l’entreprise collaborative et le développement de la consommation collaborative , apparaissent ou sont aujourd’hui envisagées d’autres formes que l’on pourrait qualifier de collaboratives : la distribution (comme le fantastique People’s supermarket en Angleterre), la production (un exemple d’Open Source appliqué à la production), la politique et même l’énergie collaboratives. Il ne s’agit-là que d’exemples et je vous renvoie aux travaux de la P2P foundation de Michel Bauwens pour plus d’informations sur le sujet.

La crise : premier catalyseur

La crise a été l’évident déclencheur et propagateur de l’économie du partage, selon Daniel Noble , fondateur de Drivemycar, qui met en relation propriétaires de voitures et personnes recherchant des locations de courte durée en Australie :

La crise a généré un changement de mentalité, elle a contraint les gens à s’interroger sur les nouveaux moyens à leur disposition leur permettant d’effectuer des économies et de gagner de l’argent à partir de leurs biens. (…) Lorsque j’ai entendu pour la première fois parler du concept [de la location de voitures entre particuliers], j’ai pensé que c’était une très mauvaise idée, je n’aurais jamais laissé quelqu’un conduire ma voiture (…) Mais la crise a été un catalyseur, j’ai commencé à réfléchir à comment diminuer certaines de mes dépenses et comme la voiture est un des principaux pôles de dépense…

Drivemycar rencontre un vrai succès en Australie : toutes sortes de voitures sont disponibles y compris les plus beaux modèles, Noble explique ainsi : «  J’ai maintenant des Ferrari et des Porsche disponibles à la location, les gens en parlent à leurs amis, ils n’ont pas honte » (nous ne sommes pas en reste : une très belle calèche est même proposée par un particulier sur le site de Deways ;) ).

Si la crise a été un évident accélérateur du mouvement par la contrainte budgétaire nouvelle qui en a résulté, elle ne saurait expliquer à elle seule le rejet croissant dont l’hyperconsommation fait actuellement l’objet. Aujourd’hui c’est même sur le terrain de la mode et du prêt-à-porter (souvent initiateurs des futures tendances) que s’expriment ces nouvelles pratiques : du mouvement des recessionistas aux sites de vides-dressing, en passant par les sites de locations de sacs ou de bijoux de mode comme Avèle, les sites de troc, d’échange et de location de vêtements se multiplient, quand ce ne sont pas les créateurs eux-mêmes qui s’en emparent en faisant appel à la créativité du consommateur.

Nous n’avons pas besoin d’acheter de nouvelles fringues à chaque nouvelle saison.

Interrogée par le Sydney Morning Herald, Lara Mc Pherson met en place des événements de troc de vêtements par l’intermédiaire de son blog (dans le même esprit, saluons Pretatroquer en France), elle explique : « j’ai pris la décision d’arrêter d’acheter de nouveaux habits jusqu’à ce que je trouve un moyen socialement responsable et bon pour l’environnement de vivre ma passion pour la mode. »


Du bien au lien

Au-delà des économies permises par ces sites, c’est l’impact social généré (en un mot la rencontre) qui est au cœur de leur succès.

De la crise naît la nécessité de s’assembler, et de cette nécessité naît le plaisir de s’assembler. On y trouve son compte pour ses intérêts individuels et matériels, puis très vite, quelque chose se passe et la communauté d’intérêts devient une communauté de liens. (lu sur le blog de La Ruche qui dit Oui !).

La capacité à récréer du lien social est pour beaucoup dans l’engouement de nombreuses plateformes de consommation collaborative. Un avis que partagent de nombreux historiens et sociologues. Interrogée par Le Monde, Laurence Fontaine, historienne et directrice de recherche au CNRS voit dans le mouvement un rejet de l’économie capitaliste :

La crise, ou plus exactement l’appauvrissement, pousse les gens vers ces nouvelles formes d’échanges. Mais on peut également analyser ce mouvement comme un refus de la société de marché, commente-t-elle. Au XVIIIème siècle, les aristocrates payaient en objets et habits. L’arrivée de l’argent a été une libération des liens sociaux. Les hommes ont ainsi accédé à l’anonymat et à l’individualisme. Mais maintenant que ces valeurs ne sont plus portées aux nues, on cherche de nouveau à tisser du lien social avec d’autres moyens.

Stéphane Hugon, sociologue et cofondateur du cabinet Eranos, partage ce constat et envisage les implications économiques de ces évolutions :

Cette nouvelle consommation sonne le glas d’une approche de la société et des marchés à partir de « l’individu rationnel qui optimise sans contrainte ». A-t-il d’ailleurs jamais été rationnel ? (…) La consommation est ici largement motivée par une recherche de relation sociale qui vient épaissir le prétexte rationnel d’un geste qui n’est économique que par extension. C’est probablement toute notre culture économique qui s’en trouve modifiée.

Erwan Lecoeur, sociologue, ancien Directeur de l’observatoire du débat Public développe l’idée que l’explication du succès de ces nouveaux comportements est à rechercher dans une quête de liens et de confiance en soi et en l’autre :

Avec ces nouveaux comportements, plusieurs attentes apparaissent, que l’on pourrait appréhender par la centralité du besoin du « lien », d’une qualité particulière et d’une confiance renouvelée.

Derrière les produits et les services concernés, c’est avant tout une nouvelle forme de relation, de partage qu’il s’agit de vivre. Plus qu’une simple proximité géographique, on peut y voir une recherche de relation affinitaire à nouer ; le besoin d’une rencontre réelle, d’un contact avec le producteur, l’inventeur, le fournisseur de biens ou de services. (…) On passe du bien à ce qu’il permet : un lien. (…) Le bonheur n’est pas contenu dans l’objet échangé, semblent dire des millions de nouveaux consommateurs mais dans l’acte d’échange et la rencontre qu’il permet.

Et d’envisager la propagation et la contagion du partage…

Ces formats d’échanges de produits et de services qui se développent  un peu à l’écart du monde de la grande consommation ne sont qu’embryonnaires ;  ils n’en ont pas moins beaucoup d’avenir. Parce qu’ils créent une convivialité, une confiance qui fait défaut à l’extérieur, ils attirent à eux de nombreux adeptes, intrigués par ces étranges manières, puis désireux de faire partie de cette petite société-là, au moins par bribes, par moments, par intérêt.

Et vous, vous trouvez que cette économie-là fait du sens? Couchsurfing, l’autopartage (entre particuliers), les AMAP, le coworking, le colunching, le troc de vêtements, le Booksurfing, le crowdfunding, … vous y croyez, ça vous parle, ça vous inspire ?

N’hésitez pas à me faire part de vos expériences et de vos commentaires !

Parce que je suis également convaincu de l’impact social et de la contagion possible, attendue et souhaitable de cette économie du partage, j’ai commencé à réunir des adeptes du partage pour échanger autour de la thématique, publier des articles encore plus pointus et plus fréquemment et réfléchir à l’organisation d’évènements. Ce projet vous intéresse ? Vous souhaitez juste en savoir plus ? N’hésitez pas à rejoindre notre toute nouvelle page Fan.

Pour aller plus loin :


Article initialement publié sur le blog Consommation Collaborative

Image de clef : Victoria Diaz Colodrero.

Photos flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Sterneck ; PaternitéPas de modification {Guerrilla Futures | Jason Tester}

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http://owni.fr/2011/05/17/nouvelle-economie-partage-consommation-collaborative-p2p/feed/ 45
Evolution de la consommation collaborative au rythme des réseaux http://owni.fr/2010/11/15/evolution-de-la-consommation-collaborative-au-rythme-des-reseaux/ http://owni.fr/2010/11/15/evolution-de-la-consommation-collaborative-au-rythme-des-reseaux/#comments Mon, 15 Nov 2010 10:57:33 +0000 Hubert Guillaud http://owni.fr/?p=35680 La consommation collaborative correspond au fait de prêter, louer, donner, échanger des objets via les technologies et les communautés de pairs”, explique le site éponyme lancé par Rachel Botsman et Roo Rogers, les auteurs de What’s mine is yours, the rise of collaborative consumption (Ce qui est à moi est à toi, la montée de la consommation collaborative).

Ceux-ci affirment d’ailleurs que cette pratique est en passe de devenir un “mouvement”. Un mouvement qui va des places de marchés mondiales comme eBay ou Craiglist à des secteurs de niches comme le prêt entre particuliers (Zopa) ou les plates-formes de partage de voitures (Zipcar). Un mouvement dont les formes évoluent rapidement, comme le montre le secteur automobile par exemple, où nous sommes passés de la vente de voitures par les constructeurs au partage de voitures (Zipcar, StreetCar, GoGet… et Autolib bientôt à Paris) au covoiturage (Nuride qui est plutôt un système de compensation pour inciter les gens à prendre d’autres types de transports, Zimride, Goloco ou Covoiturage en France) à la location de voiture en P2P (DriveMyCar, GetAround, RelayRides, WhipCar). Dans la monnaie, nous sommes passés des banques établies, à des systèmes de prêts entre particuliers (Zopa, Peepex…), puis à des monnaies alternatives (Superfluid ou Batercard…).

“La consommation collaborative modifie les façons de faire des affaires et réinvente non seulement ce que nous consommons, mais également comment nous consommons”, affirment ses défenseurs. De nombreuses nouvelles places de marchés voient ainsi le jour en ligne : que ce soit les systèmes qui transforment les produits en service (on paye pour utiliser un produit sans avoir besoin de l’acheter), les marchés de redistribution (qui organisent la redistribution de produits utilisés ou achetés quand ils ne sont pas ou plus utilisés) et les styles de vie collaboratifs (des gens avec des intérêts similaires s’assemblent pour partager bien, temps, espace, compétences, monnaie, comme dans le cas des achats groupés sur l’internet via les ventes privées, ou du développement des espaces de Coworking comme les Cantines en France).

La liste des sites web permettant ce type d’échanges gagne toutes les thématiques : de l’échange de maison (HomeExchange) à la location de chambre ou de canapés chez le particulier (Airbnb et Couchsurfing) ou de parking en ville (ParkAtMyHouse), voire de jardins (Urban Garden Share ou Landshare)… au prêt de matériel électroménager (Zilok), à celui des produits culturels (Swap), ou de fringues (thredUP), ou à l’échange de la production du jardin (LePotiron)… jusqu’au partage de compétence (Teach Street ou Brooklyn Skill Share) et bien sûr au don d’objets usagers (Kashless, FreeCycle et autres Ressourceries…).

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Vidéo : la vidéo promotionnelle du livre de Rachel Botsman et Roo Rogers.

Les fans du partage ont déjà leur magazine : Shareable.net. D’un coup, L’âge de l’accès que décrivait brillamment Jeremy Rifkins dans son livre semble être en passe de s’être réalisé… mais pas de manière uniforme. Les visions et les modèles économiques qui président à la “consommation collaborative” n’ont pas tous la même orientation politique, ne partagent pas toute la même vision de l’économie et du fonctionnement de nos sociétés, tant s’en faut. Certains donnent clairement lieu à des modèles d’affaires qui n’ont rien d’altruiste (Groupon a généré 500 millions de dollars de revenus cette année), alors que d’autres proposent ouvertement un autre modèle de société et d’échange.

Un mode d’échange par défaut

Pour Rachel Botsman et Roo Rogers ces systèmes ont “tendance à devenir, par défaut, la façon dont les gens échangent que ce soit des biens, des lieux, des compétences, de la monnaie ou des services”. Et des sites de ce type apparaissent chaque jour, tout autour du monde. Mode ou phénomène de niche qui devient phénomène de masse ? Difficile à dire parce qu’il n’est pas évident d’arriver à mesurer ce phénomène.
C’est pourtant ce que veut proposer le site Collaborative Consumption, tenter de donner une mesure au phénomène, tout en recensant les outils et en centralisant la discussion sur cette évolution, pointe Bruce Sterling sur Wired.

Jenna Wortham pour le New York Times a ainsi loué un Roomba, ce robot aspirateur, pour 24 heures via la plate-forme SnapGoods. Une plate-forme parmi de nombreuses autres comme NeighborGoods ou ShareSomeSugar. Il existe bien d’autres services de ce type, allant des services d’achats groupés comme Groupon ou Vente privée, aux sites de voyages entre pairs comme Airbnb, aux sites d’échanges de maisons comme Home Exchange, voir même aux sites d’investissements collaboratifs comme My Major Company ou Kickstarter.

Il y a plusieurs formes de consommation collaborative : les formes où l’on achète en commun, de manière groupée, un bien ou un service pour obtenir le plus souvent un prix ; et les formes où les gens se prêtent, se donnent ou s’échangent des biens et services plutôt que de les acheter, estime Jenna Wortham.

Pour Ron Williams, cofondateur de SnapGoods, ce phénomène est lié à ce qu’il appelle “l’économie de l’accès” qu’évoquait Jeremy Rifkins. “Il y a une sensibilisation croissante au fait que vous n’êtes pas toujours heureux d’hyperconsommer. La notion de propriété et la barrière entre vous et ce dont vous avez besoin est dépassée.” La crise est également passée par là et le fait de pouvoir tester un produit avant de l’acheter réfrène (à moins qu’elle ne l’encourage) l’hyperconsommation dans laquelle notre société a depuis longtemps basculé, comme le souligne Gilles Lipovetsky dans son essai sur la société d’hyperconsommation.

Pour autant, ces places de marchés ne devraient pas renverser le modèle traditionnel avant longtemps, estiment les spécialistes. “Ce n’est pas la fin de notre vieille façon de consommer. Mais petit à petit, l’échange entre pairs pourrait bien devenir la façon par défaut dont nous échangeons”, estime Rachel Botsman.

Du produit au sens de la communauté

En attendant, les gens louent un nécessaire de camping pour un voyage, plutôt que de l’acheter, passent la nuit chez d’autres habitants plutôt qu’à l’hôtel… Pour les gens qui louent leur matériel, c’est une façon de se faire un peu d’argent, voire de rentabiliser leur achat. Ce n’est pas pour les économies qu’ils permettent de réaliser que ces services devraient gagner en popularité, mais parce qu’ils renforcent le sens de la communauté.

Ces services transforment un bien de consommation en un moyen de rencontrer ses voisins, estime un utilisateur actif. “Nous surfons sur le désir d’avoir toujours de réelles connexions avec la communauté”, estime Paul Zak, directeur du Centre pour les études en neuroéconomie de la Claremont Graduate University. L’interaction sociale réduit l’émission d’hormones de stress, même en ligne, estime le chercheur qui a montré que poster un message sur Twitter déclenchait une libération d’ocytocine, un neurotransmetteur de satisfaction. Selon lui, le commerce en ligne est appelé à se déplacer au-delà des transactions pour développer l’interaction et les contacts sociaux, comme nous le faisons déjà dans les magasins réels.

Le web ramène le business à l’individu à mesure que les sociétés de commerce en ligne deviennent plus petites, plus spécialisées, de niches. Paradoxalement, le web nous ramène à un modèle d’affaires centré sur l’humain.

Voilà longtemps que les places de marchés comme eBay utilisent la notation et les critiques des consommateurs pour créer un sentiment de confiance entre les participants et éliminer les participants non fiables, en plus de protections techniques. Cette nouvelle vague de systèmes de pairs à pairs utilise également les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter pour susciter de la confiance. “Cette nouvelle économie va être entièrement basée sur la réputation, qui fait partie d’un nouveau tournant culturel : votre comportement dans une communauté affecte ce que vous pouvez faire ou ce à quoi vous pouvez accéder dans une autre”, estime Rachel Botsman. Pas sûr que la réputation soit aussi poreuse d’une communauté l’autre, ni que l’utilisation des sites sociaux comme systèmes d’identification suffise à transformer la relation d’échange. Comme le montre le succès du BonCoin, il n’y a pas nécessairement besoin de ce type de fonctionnalités pour développer les échanges.

Article initialement publié sur Internet Actu.net sous le titre “La montée de la consommation collaborative”

>>Crédit photo Flickr CC : colodio

>Capture d’écran du site Neighborgoods

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http://owni.fr/2010/11/15/evolution-de-la-consommation-collaborative-au-rythme-des-reseaux/feed/ 50