OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La révolution de la télé http://owni.fr/2011/11/24/revolution-tele-connectee-internet/ http://owni.fr/2011/11/24/revolution-tele-connectee-internet/#comments Thu, 24 Nov 2011 07:18:59 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=88025 La série continue. Avec Internet et la révolution numérique, la destruction créatrice, qui a bouleversé de fond en comble les industries de la musique, de la presse et du livre, s’abat aujourd’hui sur le monde de la télévision. Elle risque d’y être plus rapide et plus rude. Et comme pour les autres vieux médias, la création de valeur risque de se faire ailleurs, mais la destruction chez elle. Avec, de toute façon, un grand gagnant : le téléspectateur, qui deviendra télénaute !

Révolution télévisée

Les signes révélateurs, et puissamment déstabilisateurs pour toutes ces institutions qui se croyaient solidement en place, sont bien les mêmes :

1. Explosion de l’offre. Fin des monopoles de la production et de la diffusion, effondrement des barrières à l’entrée, abondance de nouvelles offres meilleur marché qui séduisent, désintermédiation et nouveaux intermédiaires, recul des revenus traditionnels, nouveaux rapports de force.

2. Nouveaux usages. Rapides et profonds changements générationnels dans le mode d’accès à l’information, la culture et le divertissement, consommés à la demande.

3. Primat de la technologie, de l’expérience sur le contenu — qui n’est plus roi–, et de l’accès sur la possession. Le message, c’est de plus en plus le médium.

4. Démocratisation et prise de pouvoir du public, qui contribue, interagit, programme, coproduit, assemble, commente, recommande, partage.

5. Atomisation des contenus, fragmentation des audiences.

6. Dématérialisation et disparition progressive des supports physiques, piratage facilité par l’usage généralisé du réseau.

7. Déflation. Désintégration des modèles économiques non transposables, modèles de rechange introuvables alors que la demande croît, course à l’attention et au temps de cerveau disponible, migration et éparpillement de la publicité captée par d’autres –souvent à l’étranger–, inquiétudes sur le financement de la création.

8.Bataille pour le contact direct avec l’utilisateur, dont les données sont commercialisées.

9. Certitude et rapidité du changement, de la propagation et de l’appropriation de nouvelles technologies en rupture, instabilité des processus, internationalisation des marchés, marques globales.

10. Conservatisme, défiance, rejet. Sidération et crispation des dirigeants face à la complexité du nouveau paysage, inquiétude des personnels mal armés, résistance corporative et culturelle au changement, impuissance des politiques dépassés, — souvent tous digital tardifs !

Ces dix indicateurs mondiaux de chambardements sont d’autant plus similaires que les frontières entre médias s’estompent au fur et à mesure de l’évolution des technologies et de l’adaptation de différents contenus, qui se chevauchent et convergent sur l’Internet, plate-forme dominante.

D’où ces interrogations :

Les leçons de quinze années de chamboulements douloureux dans la musique et la presse seront-elles tirées ?
La télévision traditionnelle du 20ème siècle résistera-t-elle mieux à la mondialisation numérique et à l’Internet ouvert ?
Saura-t-elle tirer parti de l’appétit croissant du public pour l’image dans une culture de l’écran qui s’installe ? Ou va-t-elle se raidir, s’arc-bouter en cherchant à protéger coûte que coûte – et assez vainement – ses sources traditionnelles de revenus ?
Adoptera-t-elle assez rapidement les nouvelles manières du public de consommer facilement des contenus partout ? Laissera-t-elle le télénaute frustré s’en aller ailleurs regarder plus de contenus sur plus d’écrans ? L’empêchera-t-elle de retransmettre et de partager ?
Pourra-t-elle s’enrichir des nouvelles contributions, des nouvelles formes d’écriture ? Trouvera-t-elle de nouveaux modèles d’affaires ? Saura-t-elle lâcher prise pour se réinventer ?

En schématisant, deux scénarios se dessinent:

Scénario pessimiste :

Au milieu de la déferlante de terminaux connectés, le téléviseur devient un écran parmi d’autres, qui donne accès aux vieux contenus TV, perdus dans des millions d’autres au sein du réseau.

Scénario optimiste :

Internet enchante la télévision qui garde une place centrale. C’est l’âge d’or de la télévision.

A court terme, le second scénario est possible à condition d’accepter que la télévision ne sera plus la télévision telle que nous l’avons connue.

Car si malgré bientôt vingt ans d’Internet, la télévision est en mesure de rester au centre de nos vies au foyer, c’est avant tout parce qu’elle ne répond plus du tout à la même définition qu’avant, et qu’elle va se consommer très différemment.

La télé décloisonnée

D’un écran d’affichage doté de quelques chaînes qu’on parcourt (presque de la vente forcée !), elle est en passe de devenir le cœur de la maison connectée, de se transformer en réservoir d’une multitude de contenus et services logés dans le “cloud”, consommés à la carte et disponibles sur d’autres terminaux. C’est-à-dire, sous peu, la porte d’entrée principale du web et la fenêtre sur tous les contenus. Des contenus d’information, de culture et de divertissement, mais aussi de santé, d’éducation ; des services de communication (visio-conférence) etc…

Mais la technologie est en train de modifier le divertissement. Avec leur ADN très technologique, de très nombreux nouveaux acteurs innovants, dynamiques et surpuissants – souvent déjà des empires mondiaux — travaillent à briser rapidement l’ordre audiovisuel établi pour organiser au mieux cette nouvelle expérience enrichie. Ils inventent de nouvelles interfaces vidéo, agrègent et vendent des contenus créés par d’autres, proposent de nouveaux formats et modèles d’affaires, court-circuitant au passage les tenants de l’ancien système. Même les fabricants de téléviseurs, travestis en agents immobiliers d’écrans, veulent devenir éditeurs !

Tous sont en train de forcer le décloisonnement entre le monde audiovisuel fermé et celui ouvert du web.

Les nouvelles règles de la télévision, dernier écran à ne pas être complètement connecté, sont réécrites sous nos yeux pendant que bascule l’équilibre entre médias et sociétés technologiques au profit des nouveaux redistributeurs, qui ont devant eux un boulevard permis par l’appétit insatiable du public.

Déjà Hollywood, qui espérait en vain que le public achète – même en ligne – et conserve ses productions, se convertit au streaming.

Les accords se multiplient en cette fin d’année entre, d’une part les studios d’Hollywood et les grands networks beaucoup moins dominants, et d’autre part les nouvelles plateformes des géants du web, pleins de cash. Il s’agit d’offrir au public et en streaming films, séries et grands shows TV sur le Web via tous les terminaux possibles. Cette nouvelle diversification des revenus, en plus de la publicité et des opérateurs, permet aussi d’éviter le piège de la concentration de l’offre cinéma et l’apparition d’un acteur central (comme iTunes pour la musique).

Au passage et contrairement à un positionnement technologique initial, Google, YouTube, Facebook deviennent devant nos yeux des médias producteurs et financeurs de contenus propres. Google a d’ailleurs assez d’argent pour racheter tout Hollywood, Apple vaut plus que les 32 banques de la zone euro réunies et Netflix fait des chèques en centaines de millions de dollars.

En sens inverse, pour survivre, les médias et leur ADN fait de contenus, sont forcés avec grande difficulté de se transformer en sociétés technologiques, remplies de logiciels intelligents, sans pour autant comprendre et mesurer l’impact de cette transformation au cœur de leur organisation. Car il ne s’agit plus seulement de publier ou de diffuser, puis d’attendre le lecteur ou le téléspectateur, mais d’offrir le bon contenu, au bon moment, et au bon endroit à un public qui jouit désormais d’une multitude d’offres concurrentes. C’est à dire d’avoir une connaissance presque intime de son audience, de son public, de chaque utilisateur pour créer une expérience pertinente. Tout le contraire d’un mass media ! Le défi est bien désormais de parvenir à offrir du “sur-mesure de masse” !

La réception des contenus à la maison est devenue totalement numérique. Et les chaînes de télévision ne vont plus être les seuls acteurs à pouvoir contrôler les points de contacts entre contenus vidéo de qualité et audiences. Perdant le contrôle de la diffusion, elles ne pourront plus, comme pour la musique, jouer de la confusion commode entre mode de distribution et contenus eux-mêmes. Elles ne pourront plus imposer leurs grilles de programmes, et sans doute, assez vite, leurs chaînes.

Le prime time, c’est tout le temps et partout !

L’accès ubiquitaire aux contenus audiovisuels va vite devenir une réalité pour le public où qu’il soit dans le monde. Comme le disait l’un des pères de l’Internet, Vint Cerf, la TV approche de sa phase iPod. La distribution numérique et multi-écrans de programmes TV via Internet se généralise. Le cloud arrive à la maison. Et comme le télénaute souhaite désormais ses contenus TV aussi bien sur son PC que sur sa tablette, son smartphone ou sa console de jeux, il faudra l’aider à les trouver. D’où l’importance cruciale des métadonnées pour faciliter distribution et placement judicieux des contenus.

Les fabricants de téléviseurs étant plutôt lents à réagir, tous les géants du web travaillent aujourd’hui à un “relooking” de la télévision facilitant les passerelles avec l’Internet et tous les terminaux : Google et la V2 de sa Google TV, Microsoft et bien sûr Apple. Mais aussi les opérateurs de télécommunications, notamment en France, leader mondial de l’IPTV.

Chacun tente d’organiser le mieux possible la nouvelle expérience télévisuelle, la “lean back experience” (usage d’un écran en position relax).

Les modes d’accès de la découverte des contenus TV – imposés jusqu’ici par des chaînes— se multiplient et laissent la place aux nouvelles pratiques culturelles de la génération Internet : recherche, recommandation et jeu. Comme ailleurs, la consommation à la carte remplacera le menu, les conseils des amis prendront le pas sur les magistères, l’interaction ludique sur la consommation passive. Les ” watchlists” vont s’ajouter aux “playlists”.

Certains chercheront la martingale avec un media hybride parfait, d’autres se contenteront de faire ce qu’ils savent le mieux, sans vouloir tout accomplir. Mais le triptyque mobile / social / vidéo sera désormais au cœur des stratégies.

L’accompagnement actif des flux et du direct TV par une partie de l’audience et sur un second écran se met en place massivement sous l’appellation “Social TV”. Rapidement, il met le télénaute – devenu acteur – au centre du dispositif et des programmes. Facebook et Twitter enrichissent l’expérience TV par une nouvelle conversation en temps réel autour des émissions. Et la communion n’a pas nécessairement lieu au même moment. Dans une culture de retransmission, c’est le partage qui devient fédérateur, et le public qui devient auteur, éditeur, coproducteur et bien sûr, commentateur. Aux créateurs et producteurs traditionnels désormais d’y penser en amont. Comme à l’enrichissement contextuel, consommé sur un second écran, et qui permet aussi d’en savoir plus.

La télévision, c’est avant tout du divertissement fédérateur, tandis que l’ensemble ordinateur/smartphone/tablette permet d’abord l’accès à la connaissance et à la communication. Le mariage des deux univers suscitera probablement l’émergence de nouvelles écritures par de nouveaux acteurs dans un paysage recomposé … En tous cas moins de contenus prétendus « légitimes ». Et c’est tant mieux !

A la recherche de modèles économiques de rechange

De nouveaux modèles d’affaires peinent à émerger. Mais les nouveaux agrégateurs / redistributeurs s’appuient sur leurs avantages compétitifs habituels : facilité à répliquer à grande échelle et capacité à rendre leurs utilisateurs captifs.

Dans le même temps, l’audiovisuel défend bec et ongles ses revenus traditionnels. Tout le monde court donc après la manne publicitaire de la télévision, toujours énorme par rapport aux autres médias. Mais la gestion des droits, notamment en streaming, augmente les incertitudes, et surtout, les perspectives de retour dans la récession inquiètent. Chacun sent que la migration vers la publicité en ligne – qui n’en est qu’à ses débuts — en sera favorisée. Le marché des applications aussi.

Le modèle “sur-mesure de masse” provoque une rude bataille pour obtenir le contact final avec le télénaute (facturation) et sa connaissance intime (pub ciblée) : HBO a bien plus de 25 millions de téléspectateurs mais ne les connaît pas, contrairement à Netflix, à Canal+, ou aux opérateurs de “triple play”en France. Gare aussi à la bataille annoncée pour la première page des magasins d’applications.

Mais la télévision semble éviter deux écueils majeurs payés cash par la musique et la presse : elle apparaît moins lente à proposer une offre légale en ligne (qui enrayera le piratage) et elle est en mesure de faire payer des contenus numériques, même si la vidéo en ligne rapporte peu pour l’instant. Et puis, les gens capables de produire des films et des séries sont quand même moins nombreux que les créateurs de musique ou de texte en ligne ! Le public passe plus de temps à retransmettre qu’à créer des contenus. C’est une chance pour les professionnels. N’oublions pas l’époque où dans la musique, pirater voulait dire enregistrer un disque vinyl sur une cassette vierge !

Les atouts de la télé

Après un web de publication (années 90), puis le web social contributif (2.0), arrive aujourd’hui le web audiovisuel et de divertissement (“lean back”) où la vidéo joue un rôle central et où tout le monde participe. Mais la valeur a migré des créateurs aux agrégateurs de contenus. Sans différentiation et valeur ajoutée, le prix des contenus tend vers leur coût marginal. C’est-à-dire, dans le numérique, proche de… zéro.

La télévision tente de donc déplacer et réinventer sa valeur autour de quelques axes :

1 – La qualité, le soin et la rigueur de l’écriture des séries de fiction : nouvel âge d’or de la TV. L’air du temps culturel (Zeitgeist) est aujourd’hui aux grandes séries de qualité (Mad Men, The Wire, Les Borgia …) devenues, à l’époque Internet, des phénomènes sociologiques de reconnaissance plus fédérateurs que le livre ou la musique. Nous nous retrouvons sur Facebook et partageons volontiers un frisson commun pour une série. Correspondant bien à notre temps d’attention disponible, elles offrent des performances artistiques de très haut niveau : scénario, mise en scène, grands acteurs, dialogues, réalisations, montage, etc… Mais la France y est en retard.

HBO, avec ses séries originales, populaires et innovantes de très grande qualité, constitue une des forces actuelles de la création audiovisuelle américaine et a largement contribué à redéfinir l’offre culturelle tout en forçant les autres chaînes à hausser leur niveau de jeu. Même tendance au Royaume Uni ou en Espagne.

Les créateurs et détenteurs de droits n’ont donc pas dit leur dernier mot. Car s’il est désormais crucial de s’allier avec les nouveaux distributeurs, ceux-ci ne peuvent rien sans des contenus de qualité. Mais le monde traditionnel de la création, qui vit en circuit fermé, a encore du mal à parler avec le monde de l’Internet. Les rapports de force seront cruciaux, y compris avec le législateur et le régulateur.

L’offre de contenus exclusifs et de haute qualité, où le paiement n’est pas tabou, éloigne les risques de nivellement par le bas. Mais il faudra éviter de croire que la qualité est propre aux chaînes et gare au “good enough is perfect” : des offres meilleur marché très acceptables (iPod, iTunes, Netflix …) ont prouvé qu’elles pouvaient s’imposer !

Quand on se bat pour l’attention des gens, sollicitée par des millions d’autres possibilités, vous avez intérêt à vous assurer qu’ils continueront de venir chez vous !

2 – Les grands directs et les grands événements fédérateurs, en sport, politique, talk-shows, spectacles vivants, sont encore des valeurs sûres du savoir faire des grands acteurs traditionnels de la télévision, notamment en raison de la détention des droits. La fraîcheur des contenus peut aussi être valorisée. La téléréalité de qualité également. Elle a permis la première vague d’arrivée massive du public dans les émissions et les programmes.

3 – La TV partout ou le multi-écrans. C’est la stratégie de Time Warner qui constitue à systématiser l’offre sur absolument tous les supports et en toutes conditions (Web, mobilités, réseaux sociaux, applications, câble, satellite, IPTV, etc…). La facilité d’accès est le premier service. La multiplication des points de contact favorisera les possibilités de monétisation. La prolifération de magasins de vidéos en ligne est une opportunité pour les riches catalogues des chaînes de télévisions et des producteurs de contenus vidéo. Cette tendance encouragera la fragmentation des contenus, le “cord cutting” du câble et des telcos, et accélérera le déchaînement … des chaînes.

4 – La TV traditionnelle, éditeur repère. Submergé par l’hyper-offre déferlante de contenus de qualité diverse, et donc confronté à l’hyper-choix, le télénaute sera en quête de repères, de tiers de confiance, qui l’aideront à remettre de l’ordre, à faire des choix, thématiser, réduire le bruit, s’éloigner du piratage. La certification et le sérieux apportés par des marques –encore familières– sauront l’accompagner et répondre à un nouveau besoin de médiation avec l’assurance d’une expertise reconnue. Cette dernière devrait être mise à profit pour organiser aussi l’offre des tiers, aider à trouver les contenus, leur donner du sens. Dans un nouvel univers inédit d’abondance, la qualité des contenus alliée à la clarté et la simplicité d’usage deviendront aussi, rapidement, de nouvelles valeurs ajoutées gagnantes.

5 –Favoriser la recherche et développement. Pour les programmes, les émissions, la publicité. Mettre le public en amont dans la conception et la production. Préparer à la source des expériences médias qui s’adaptent à la nouvelle vie des gens. Accepter de coproduire et de perdre un peu de contrôle. Partager et se familiariser à la grammaire des nouveaux médias, à la littératie numérique. Dire contenu à la place de programme, c’est aussi transformer la télévision.

Parallèlement, et c’est leur caractéristique, la disruption numérique et la révolution Internet se déroulent extrêmement rapidement, plus vite, souvent, que notre capacité d’adaptation. Sous nos yeux se créé une nouvelle culture digitale d’individus connectés entre eux, qui sont aussi dépendants du réseau que nous le sommes de l’électricité.

Aux Etats-Unis, les emplois dans les médias numériques sont désormais plus nombreux que dans le secteur de la télévision du câble. Facebook et son écosystème d’applications aurait déjà généré plus de 200.000 emplois et contribué pour plus de 15 milliards de dollars à l’économie américaine. Google, qui tire plus de 95% de ses revenus de la pub, réalise deux fois le chiffre d’affaires de toute l’industrie mondiale de la musique, Kodak a fait faillite, tweet et Twitter sont entrés dans le Petit Robert, le “hashtag” devient un code du langage.

Quelques raisons de rallumer

Arrivée de l’ubimédia. Le “cloud” nous offre de larges capacités de stockage et de bande passante en supprimant la nécessité d’installer et de maintenir des logiciels ; les smartphones et tablettes facilitent l’accès ubiquitaire aux contenus et services; les réseaux sociaux multiplient les connexions horizontales professionnelles, personnelles et les collaborations au delà des frontières.

Les géants Google, Microsoft, Apple, Amazon, Facebook… sont de plus en plus mondiaux, de moins en moins américains. Les internautes des grands pays émergents (Chine, Inde, Russie, Iran, Nigéria, Brésil) de plus en plus nombreux. Il y a aujourd’hui plus d’utilisateurs de réseaux sociaux qu’il n’y avait d’internautes en 2006 ! Ils sont 800 millions (dont un Français sur trois) sur Facebook, qui, au centre du web est devenu l’OS de nos vies connectées ! Le temps passé sur les médias sociaux dépasse désormais celui des grands portails.

Et comme les autres, les Français passent de plus en plus de temps, sur de plus en plus d’écrans.

Grâce au design, Steve Jobs a fortement contribué à transformer l’informatique en industrie culturelle, à la faire sortir du bureau pour irriguer et enrichir nos vies, à la maison, en déplacement, à changer le vocabulaire média. Les chansons deviennent des listes, les abonnements des applications. Il a privilégié la forme sur le fond, l’esthétique et l’accès sur les contenus. Après les interfaces textes, puis graphiques, le regard, le toucher, la voix, les gestes, sont mis à contribution. Déjà, la réalité augmentée enrichit des expériences médias.

Le boom de la mobilité. L’Internet sur soi défie la récession : la progression des utilisateurs de 3G a fait un bond de 35% en un an dans le monde. Dans les pays riches, 40% de la population possède un smartphone, dont les ventes dépassent désormais celles de portables classiques.

Les tablettes et les smartphones sont plus vendus que les ordinateurs. Les iPads plus demandés que les iPhones ou iPods. Les claviers physiques disparaissent. Le monde applicatif gagne du terrain. La publicité et les grands annonceurs s’y mettent. Les objets mobiles de plus en plus connectés et intelligents renforcent l’autonomie des individus. L’informatique est de plus en plus personnalisée, souvent malgré soi.

Médias sociaux en temps réel. A chaque seconde nous racontons aux autres nos vies et nos rêves. Les médias traditionnels comprennent qu’il ne suffit plus que les gens viennent à eux : il faut aller aussi à leur rencontre. Et aujourd’hui, les gens sont sur Facebook, lieu de consommation et de partage privilégié de contenus, qui a quasiment annexé le reste du web et risque bien de devenir rapidement le distributeur incontournable de médias. L’immédiateté est la nouvelle unité de temps, l’attention la nouvelle monnaie et les données le nouveau pétrole.

“Big data”, data farming. Les données sont désormais vitales pour chaque entreprise. Leur collecte et leur analyse vont déterminer les nouveaux modèles d’affaires, notamment pour le ciblage comportemental. Les métadonnées accolées aux contenus vidéo vont devenir le nouveau lubrifiant indispensable du nouvel écosystème. Mais l’utilisation croissante des données personnelles par les grands, Google, Facebook, Amazon, suscite des craintes croissantes. La protection des données personnelles devient un enjeu crucial, notamment à l’heure de l’essor des technologies de reconnaissance faciale.

Mais rien n’est garanti. La bataille entre Internet ouvert et univers contrôlés fait rage : ni Facebook, ni l’iPad, ni la Xbox ne sont des espaces ouverts. L’accès de tous aux contenus et au réseau est aussi menacé, alors qu’Internet est un bien stratégique d’intérêt public. L’égalité de traitement de tous les flux de données, qui exclut toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau, devrait être garantie par les pouvoirs publics.

La télé mute avec nous

Les supports physiques de l’information et des médias semblent arrivés au bout du chemin. Les téléviseurs, eux-mêmes, risquent de disparaître pour se fondre dans notre environnement. Des interfaces existent déjà pour intégrer les images animées et sonorisées dans un miroir, une table en verre. Demain, avec un nouveau design, elles seront partout (sur nos murs, vitres, mains…) pour des expériences médias qui se dissoudront tout au long de la journée dans nos vies, sans rester confinées à un objet ou liées à un moment précis. Grâce à la reconnaissance vocale, elles se commanderont à la voix.

C’est le pronostic d’arrivée de l’information dématérialisée et ubiquitaire : nous serons immergés en permanence dans un univers informationnel où l’information sera disponible partout, tout le temps. Un univers qui s’inscrit bien sûr dans un monde de plus en plus connecté, où l’intégration off et online, notamment en mobilité, va s’accélérer, tout comme la fusion des usages entre nos vies privées et professionnelles.

Nous sommes tous des télés !

Internet a fait du texte, de la photo, de la vidéo des objets banals, peu coûteux à produire et faciles à transmettre. Nous sommes tous devenus des médias, et nous serons bientôt tous des télés ! Chaque entreprise, ministère, club sportif, acteur de cinéma, petit commerçant ou quotidien régional aura son application sur le téléviseur, comme ils ont tous leur site web et leurs applis smartphone ou tablette.

C’est donc dès maintenant – pendant l’installation de coutumes nouvelles – que les acteurs traditionnels doivent privilégier une stratégie offensive et embrasser ces usages en accompagnant le public avec leurs marques fortes. Si elles sont absentes, le télénaute ira voir ailleurs. Rappelez-vous, il n’y a déjà plus de chaîne hifi au salon, mais il y a encore de la musique !

Gare au danger de voir encore s’accroître le fossé déjà important entre la société et une offre TV dépassée, où le public ne se retrouve déjà plus. Attention donc au manque criant de pertinence d’intermédiaires obsolètes continuant à proposer des pains de glace à l’époque des réfrigérateurs. Et il y a danger de croire que l’ordre établi pourra continuer, seul, de contrôler un paysage si changeant et si complexe. La télévision est furieusement contemporaine si elle est enrichie et “smart” !

Ce n’est donc pas la fin de la télévision, mais la naissance d’une toute nouvelle TV, qui n’a rien à voir avec celle des années 80. La convergence actuelle de la télévision et d’Internet est une chance pour rapprocher les citoyens, les accompagner, les mettre en contact avec des services jusqu’ici isolés, partager les connaissances, leur permettre de prendre davantage part au monde de demain qui se met en place aujourd’hui.

Il s’agit bien d’une révolution culturelle.


Article initialement publié sur Meta-media


Photos et illustrations via Flickr : PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales jaygoldman, PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Danny McL, PaternitéPas d'utilisation commerciale fd

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CD1D, la force du réseau http://owni.fr/2010/12/21/cd1d-la-force-du-reseau/ http://owni.fr/2010/12/21/cd1d-la-force-du-reseau/#comments Tue, 21 Dec 2010 12:30:16 +0000 indierockmag http://owni.fr/?p=28959 Indierockmag nous offre un aperçu et bilan des activités jusqu’alors menées par CD1D. Comment y sont-ils arrivés, où en sont-ils, quels sont leurs projet ?

Trente mois exactement après notre première rencontre dans son office lyonnais, la structure au concept fédérateur a gagné en envergure et en ambition. CD1D, au tournant de l’année 2011, ce sont 240 labels et déjà trois plateformes régionales, avec une volonté affichée de dépasser son statut d’outil participatif au service de la distribution des indépendants pour s’impliquer de plus en plus étroitement dans l’éducation du public aux nouveaux enjeux de l’ère numérique, ou même dans le processus de création. Et tout ça dans une optique d’équitabilité et d’égalité des chances dont on sait aujourd’hui grâce au travail effectué par cette équipe de passionnés qu’il ne s’agit plus seulement d’une utopie.

Alors que se profile d’ici 2013 la constitution d’un réseau collaboratif à l’échelle internationale dont CD1D a déjà posé les bases en nouant des liens avec le Québec, le Liban ou encore la Jordanie, le moment était idéal pour dresser le bilan de ces 6 premières années d’activisme et accessoirement dessiner quelques perspectives pour l’avenir en compagnie de ces acteurs désormais primordiaux du maintien de la diversité culturelle.

Indie Rock Mag : A l’origine il y a une idée de VJ Raize, le vidéaste du groupe B R OAD WAY, et une prise de contact avec le label lyonnais Jarring Effects, l’un des sept “piliers” de l’aventure cd1d. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Marina Bonaldo pour CD1D : A l’époque, plusieurs réflexions portées par des labels indépendants ont eu la chance de se faire écho et de s’imbriquer pour donner lieu à une alternative collective : d’une part en Rhône-Alpes où le label de B R OAD WAY et Jarring Effects avançaient sur une solution de plateforme et d’autre part à Marseille où Aïlissam, le label de K2R Riddim, travaillait sur la dynamique d’un réseau « musique équitable ». Pour s’être croisés depuis des années en concerts, lors de formations dispensées par leurs soins ou de conférences, colloques et salons et parce que tous avaient des amis en commun (Yannick Legrain d’Irfan le label), il était tout naturel de pouvoir conclure qu’il était temps de fusionner nos énergies.

A la base de ce concept de fédération, on imagine qu’il y a un constat plutôt négatif sur le business de la distribution ? Quelles sont les envies qui ont motivé le projet ?

En 2004, le projet CD1D est né d’un constat (fait par les 7 labels fondateurs – 6AM, Aïlissam, Crash Disques, Facto Records, Jarring Effects, Irfan le label et Vicious Circle) : les productions indépendantes ont de plus en plus de difficultés à accéder aux réseaux de distribution et aux espaces médiatiques traditionnels.
La visibilité en magasin se réduisant, il nous semblait vital de construire nos propres réseaux et outils susceptibles de nous garantir de nouveau une forme d’autonomie de diffusion et de contrôle en tentant d’inventer de nouveaux modèles.
Nous avons donc tout naturellement inauguré en mars 2005, comme un premier outil nécessaire, la première version de la plateforme cd1d.
Nos premières inquiétudes se sont bien évidemment confirmées et l’un des problèmes majeurs reste la très grande complexité pour un artiste ou un label à accéder aux réseaux traditionnels de diffusion et, désormais, à monétiser équitablement sa musique.

Concrètement, comment cela se passe-t-il quand un label souhaite intégrer la fédération CD1D ? Comment doit-il prendre contact ? N’importe quel label peut prétendre à faire partie de l’équipe ou y a-t-il un droit de regard selon vos affinités musicales, idéologiques ? Quels sont en gros les termes du contrat ?

Pour intégrer CD1D, le label doit avoir à son actif au minimum 2 artistes et 3 références. Une fois que le label entre dans les critères, qui restent flexibles et étudiés au cas par cas, il doit contacter par mail Fred (info@cd1d.com) qui lui envoie la fiche d’adhésion à remplir. Une fois la fiche d’adhésion renvoyée, Fred la soumet au CA de CD1D(composé des 7 labels fondateurs et de trois représentants de labels) qui décide si le label peut intégrer ou non la fédération.

Si les membres du CA sont les décisionnaires de l’intégration d’un label au sein de la fédération CD1D, les décisions sont prises collégialement et aucun d’entre eux ne doit choisir en fonction de ses goûts musicaux. CD1Dest ouvert à toutes les esthétiques musicales et souhaite continuer à découvrir et être surpris par de nouveaux styles de musique.
Lors de l’intégration le CA regarde davantage le professionnalisme du label, son envie et sa capacité à s’investir dans la fédération CD1D.
Une fois le label accepté, il ne lui reste plus qu’à intégrer son catalogue sur la plateforme et communiquer sur la présence de ses productions sur CD1D.

L’adhésion annuelle à payer est de 100€ par an (avec possibilité de prendre cette somme sur les ventes du label afin de ne pas représenter une dépense trop lourde pour une structure). Le label doit de son côté s’engager à intégrer rapidement son catalogue sur la plateforme, être réactif aux demandes du CA et des salariés CD1D, alimenter et suivre les discussions sur le forum interne CD1D… bien évidemment même si les faits sont bien différents de la réalité, nous tenons à ce que chaque label devienne membre à part entière de la fédération et s’approprie l’outil qu’est la plateforme… et n’imagine pas qu’il vient payer un service sans rien investir en échange.
Il est important de préciser que CD1D n’est pas un distributeur et n’en a pas la même vocation, mais bien un outil créé par des labels pour des labels.

Le label membre de CD1D se rend acteur d’un réseau de distribution alternative, au sein duquel il maîtrise son prix de vente. Chaque label dispose d’un compte personnel pour gérer l’administration de ses productions mises en ligne. Il peut ainsi voir ses ventes en temps réel, modifier son catalogue en ligne, fixer le prix de ses références, ajouter des bonus, des vidéos, participer aux forums privés… une personnalisation unique au service du label membre.

Vous n’êtes rémunérés sur les ventes de CD qu’à raison d’une commission de 15% contre un taux exemplaire de 85% à partager entre labels et artistes, ça vous sert à couvrir les frais ? Comment les membres de l’équipe gagnent-ils leur vie alors ? Ils bossent généralement pour un ou plusieurs des labels affiliés, ceux qui comme Jarring Effects ou Vicious Circle ont été les premiers à soutenir le projet ?

Sur les 15% pris sur les ventes, CD1D ne réalise aucun profit. Ce pourcentage sert à payer l’hébergement du site, la maintenance et les salaires des employés. Or à ce jour, nous ne pouvons pas réellement dire que ces 15% suffisent à supporter l’ensemble de ces charges. C’est entre autres pour ces raisons que nous sollicitons les aides des sociétés civiles et autres subventions.


Depuis le mois de juillet 2010 l’équipe compte 7 salariés et une dizaine de bénévoles très actifs au quotidien. Les trois quarts de nos salariés sont employés en emplois aidés et la totalité des bénévoles sont des salariés de labels membres de CD1D. Même si nous n’avons pas à proprement parler de salarié mutualisé entre plusieurs labels, nous mutualisons de nombreux services pour nos membres, tel que pressage, communication, stands…

Nous souhaiterions parvenir dans les deux années à venir à un auto-financement avec le pourcentage pris sur les ventes et les cotisations annuelles d’où l’intérêt d’intégrer de nouveaux labels. Malgré cette forte envie d’auto-financement il est indéniable que la chute des ventes physiques ne favorise pas notre expansion économique, toutefois nous ne baissons pas les bras ! Néanmoins le modèle économique de CD1D est précisément de reverser entre deux et trois fois plus que les circuits traditionnels… quitte à trouver des sources de financement ailleurs que sur les ventes de disques.

Depuis quelques années, l’association le CALIF (Club d’Action des Labels Indépendants Français) subventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication semble essayer de remuer les choses côté disquaires. Vous avez eu des contacts avec eux ? Vous aussi avez reçu les faveurs du ministère ?

Bien sûr nous connaissons l’activité du CALIF (dont au passage le nom prête à confusion puisqu’ils n’interviennent pas au nom de labels mais dans le champ précis des disquaires indépendants) et nous le(s) croisons régulièrement. Il(s) travaille(nt) avec certaines fédérations régionales qui sont déjà nos partenaires.
Pour le moment nous n’avons malheureusement pas bénéficié des subventions qu’ils ont réussi à lever pour tenter de maintenir un tissu de disquaires sur le territoire, même si nos champs d’intervention et de représentativité ne sont pas les mêmes.

Justement, après l’ouverture de votre boutique lyonnaise rue Leynaud (dans le 1er arrondissement) en mars 2008, vous avez abandonné l’idée de multiplier les points de vente pour privilégier l’intégration de CD1D aux petits disquaires survivants. Concrètement, comment se passe cette collaboration ? Il y avait déjà le site, quel est le petit plus que vous apporte ce commerce de proximité ?

Tout d’abord, l’idée de multiplier les points de vente semblables à celui de Lyon n’a pas été totalement abandonnée. Nous avons d’ores et déjà commencé à étudier avec l’aide du CALIF la possibilité d’ouvrir des “comptoirs culturels” de proximité à l’échelle régionale. Il est en effet intéressant de s’appuyer sur la connaissance du terreau local et le maillage territorial fort des fédérations régionales pour proposer un espace de diffusion et d’accès aux productions locales et nationales notamment au sein des régions les plus pauvres en offre culturelle. La connaissance que nous avons de ce secteur nous permet d’affirmer que la vente de disques indépendante est largement tributaire de la densité de population. Or la diversité culturelle se doit également d’être représentée de manière exhaustive d’un point de vue géographique et ne peut répondre qu’à de simples contraintes économiques.

Toutefois, cette approche est loin de nous prévenir d’une action auprès des disquaires indépendants existants. D’une part, de nombreux labels membres de CD1D connaissent une distribution que l’on qualifie de “classique” et sont représentés via le travail de leur distributeur chez quelques disquaires indépendants. D’autre part, nous mettons en œuvre le développement d’un “compte pro” qui nous permettra à terme de proposer un service de distribution “alternatif” à nos membres.

Les disquaires pourront ainsi se connecter au site cd1d comme un internaute classique mais seront reconnus comme professionnels. Ils bénéficieront ainsi de prix adaptés à leur activité, de l’écoute totale de chacune des références disponibles à la vente et de toutes les informations nécessaires à la bonne connaissance des produits. Nous travaillons actuellement à la mise en place de pratiques commerciales garantissant une juste rémunération des labels et des artistes mais aussi respectueuses des principes d’économie sociale et solidaire.

Enfin, la présence de CD1D et de ses membres parmi des disquaires indépendants nous paraît être un important vecteur dans la défense de la diversité culturelle. Elle offre en effet une diffusion et une visibilité aux labels indépendants qui peinent de plus en plus à trouver une place dans une économie de marché globalisée. Mais elle est aussi un levier dans le maintien des commerces de proximité qui savent défendre les artistes et les productions qu’ils accueillent. Ils accomplissent également une mission d’éducation populaire en permettant à leur clientèle d’accéder aux productions trop peu perçues dans les circuits traditionnels.

Parallèlement, vous avez lancé trois plate-formes régionales, en Rhône-Alpes, en PACA et dernièrement en Aquitaine, pour entretenir des rapports plus étroits avec les acteurs locaux de la création musicale, encourager les collaborations et soutenir les autoproduits. Quel bilan en tirez-vous à ce stade ?

Il est important de préciser que nous n’avons pas créé les plateformes régionales mais que nous avons mis à leur disposition une technologie et des savoir-faire que nous avions préalablement développés. C’est ainsi, en 2010 nous avons inauguré les plateformes 1d-Aquitaine, 1d-Paca et 1d-Rhône-Alpes et un an plus tard le bilan est relativement positif. Les fédérations et plateformes en question accueillent chaque jour davantage de labels et artistes, hébergeant ainsi la diversité culturelle d’une région.

Même si les critères d’adhésion aux plateformes diffèrent selon les régions (prix d’adhésion, services proposés…), presque toutes ces structures ont fait le choix d’accueillir les auto-productions qui souhaitent distribuer leurs œuvres. Ces plateformes régionales s’imposent ainsi comme les véritables garants de la diversité musicale pratiquée dans une région.

Pour les artistes émergents ces fédérations font un réel travail de proximité et de sauvegarde d’un patrimoine culturel local.
Ces nouveaux exemples de structuration en région suscitent un certain intérêt et préfigurent souvent de nouvelles dynamiques dans d’autres régions de France (Pays de la Loire, Nord, Midi-Pyrénées, Grand Est, Languedoc-Roussillon), et d’autres certainement à venir. Nous tenons à suivre de près toutes ces nouvelles initiatives, car la structuration des acteurs constitue la grande nouveauté du tissu indépendant.

Déjà 240 labels et près de 1500 artistes ont adhéré au concept depuis son lancement en 2004, votre chiffre d’affaires a augmenté de plus de 40% l’an dernier par rapport à 2008, CD1D se porte plutôt bien on dirait ? Quelle est la prochaine étape ? Un pied en région parisienne peut-être ?

On aimerait bien ! Même si nous commençons à être identifiés et de plus en plus sollicités sur la région parisienne, il est toujours aussi difficile de mettre un pied et de s’affirmer à Paris, mais nous aimerions bien qu’une fédération francilienne de labels indépendants y voie le jour.

Nous continuerons de faire ce que nous avons fait sur d’autres régions : stimuler des rencontres, dresser des ponts entre labels grâce à nos membres de façon à ce qu’une fédération aboutisse et qu’elle défende également l’envie de construire des réponses alternatives et innovantes.
Nous essayons par ailleurs de créer des passerelles avec des pays d’Europe et de la Méditerranée. Le développement de CD1D et de la plateforme reste une priorité. Nous avons également répondu à l’appel d’offre du Ministère de la Culture concernant le dispositif « carte musique », et nous travaillons avec la Bibliothèque de la Part-Dieu, les SMAC du Fil et des Abattoirs en Rhône-Alpes à la création et la mise en place de bornes interactives.

Autant de projets qui nous poussent à croire que tout reste à faire !

75% de vos ventes en 2009 concernaient les supports physiques contre 25% seulement pour le numérique, autant pour la fameuse “crise du disque“. Que pensez-vous de la position des majors sur ce sujet ?

Nous ne partageons ni les valeurs, ni les modèles économiques des majors ou des plus gros indépendants. En appartenant à des multinationales par exemple, qui pensent leur développement de façon globale, la musique est forcément sacrifiée au profit de stratégies plus rapides et plus rentables : il est plus facile de faire de l’argent avec des smartphones fabriqués en Chine que de développer une carrière d’artiste.

Pendant des années, tout le monde (y compris les médias qui se sont laissés entraînés dans cette fausse course à la modernité et l’innovation) a annoncé la mort du disque alors qu’il représente toujours l’essentiel des ventes. C’était la meilleure façon sûrement de brouiller les cartes… et de les redistribuer aux mêmes !

“Concevoir et diffuser la musique autrement”, c’était l’un des thèmes que vous abordiez à Paris les 15 et 16 octobre dans la cadre du MaMA. Avec l’avènement du net, certains artistes tentent de s’affranchir totalement des labels et/ou distributeurs via Bandcamp, Bandstocks, CASH Music et autres plateformes de distribution en ligne et/ou de financement par les fans. Pensez-vous que ce soit une alternative pour certains ? Un avenir pour d’autres ?

Sincèrement il est possible que ce soit un avenir pour certains artistes, mais lesquels ? Ce qui pose problème dans ces plateformes et autres systèmes de financement par des fans, c’est que la qualité artistique est définie par le plus grand nombre et l’audimat. Les « fans » financent ce qui est à la mode, ce qui peut plaire, de nombreux artistes qui n’ont aucune place sur ces plateformes là ont pourtant un parcours musical exemplaire et exceptionnel. On peut penser à des groupes tels que Les Ogres de Barback, High Tone, Yann Tiersen, Marcel et son Orchestre… pour ne citer que les plus connus.
Même si ces sites peuvent faire émerger quelques artistes, il est difficile de croire qu’ils représentent réellement la diversité de ce que font les artistes en 2010.

Il serait intéressant de voir si les gens sont motivés par le fait de soutenir la création ou s’imaginent en investisseurs avisés en misant sur le prochain Grégoire?
Le modèle économique de ces “labels communautaires” est loin d’être défini et équilibré, prenez l’exemple du français Spidart qui a été contraint de fermer boutique en laissant artistes et “investisseurs” sur le carreau.
Pour les outils “Do It Youself” et “Direct To Fan” de type Bandcamp, c’est une autre approche. L’idée de se rapprocher de ses fans est une nécessité pour un artiste ou un label. Élaborer sa “fan base”, lui communiquer directement ses actualités, lui offrir en avant-première ses vidéos et autres bonus est indispensable pour garder un rapport humain avec les gens qui vous écoutent et aiment votre musique. D’autant plus pour les artistes émergents qui n’ont pas accès aux “grands” médias.
Et c’est une des missions de CD1D que de pouvoir fournir aussi, dans un avenir proche, ce genre de services aux labels indépendants, aux artistes mais aussi aux publics.

Et les distributeurs avec lesquels les labels travaillent également, vous n’avez pas peur qu’un jour ils mettent la pression aux uns ou aux autres ?

Excellente question. CD1D n’étant pas un distributeur mais un outil créé par les labels eux-mêmes, il n’y pas d’incompatibilité à avoir signé chez un distributeur ou agrégateur et vendre ses productions sur CD1D. Ce n’est pas le cas pour tous, mais si un label en a la possibilité, il doit continuer à multiplier ses sources de diffusion et ses points de vente.
Loin d’être un distributeur nouas n’avons pas la prétention de faire leur travail, nous proposons juste à nos membres des outils dans le but de rendre visible tout travail artistique et ainsi diffuser toutes œuvres produites.

Certains distributeurs connaissent l’existence de CD1D et n’ont jamais vu aucun inconvénient à ce qu’un label vende ses disques en direct comme il le ferait à la sortie des concerts. CD1D est et restera un outil de promotion et de distribution au profit des labels qui l’ont créé.

Pour finir, si vous deviez “vendre” en quelques mots le concept aux représentants de labels indé qui peut-être nous lisent, que diriez-vous ?

« Plus on est de fous, plus on rit » ! Plus sérieusement, nous vivons une période particulière où à la fois la musique est devenue gratuite dans la tête des gens et où pourtant tous les amateurs de musique doivent se mobiliser pour défendre leur passion. Il faut évidemment agir de façon collective mais également avoir l’ambition de réinventer des modèles nouveaux qui permettent au plus grand nombre de créateurs de pouvoir vivre et d’amplifier grâce aux nouvelles technologies leurs projets… pas de les subir !

Article initialement publié sur indierockmag .

Crédits photos CC flicr: pierre pouliquin; andres musta; gaetanku

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Découvrez “Funky Stuff” d’Enneri Blaka http://owni.fr/2010/10/12/d-ecouvrez-funky-stuff-enneri-blaka/ http://owni.fr/2010/10/12/d-ecouvrez-funky-stuff-enneri-blaka/#comments Tue, 12 Oct 2010 09:29:44 +0000 Valentin Squirelo http://owni.fr/?p=26999 Découvrez “Funky Stuff”, extrait du prochain album d’Enneri Blaka, “Welcome to Pornocracy”, qui sortira en janvier 2011. Ils seront également en concert demain soir à l’International, entrée libre.

Platines, saxophone, basse, clavier, trompette, en passant par la guitare ou le didgeridoo, ce n’est pas moins de huit musiciens qui forment ce big band strasbourgeois créé en 2003.

Après un album en 2006 et un dvd live en 2008, c’est fort de plus de 200 concerts qu’Enneri Blaka s’apprête à nous livrer “Welcome to Pornocracy” en janvier 2011.

Si l’on devait caractériser leur style musical, si tant est que cela soit pertinent face à une telle mixité d’influences, on parlerait d’electro funk’n roll.

On serait cependant bien peu avisé de les réduire à ces termes, tant leur musique est riche d’influences métissées. Electro, rock, world, pop, musique traditionnelle ou dub, on navigue entre les sons, avec comme dénominateur un groove funky comme on les aime.

Bruno, guitariste d’Enneri Blaka, nous en dit un peu plus sur le processus créatif au sein du groupe, forcément impacté par le nombre conséquent de musiciens :

Il y a deux méthodes: la collective, en répétition et l’individuelle ou en binômes en maquettage (MAO). L’équilibre penchait pour la première sur le premier album “Big Bang”, et pour la seconde sur “Welcome to Pornocracy”. Reste à trouver un équilibre entre les deux.

Sur le dernier disque, c’est principalement le pianiste qui insufflait les bases avant que chacun y mette son grain de sel. Mais tout le monde participe à la composition, à divers degrés. Pour les textes, c’est principalement le saxophoniste et le chanteur qui prennent la plume, mais aussi les invités (Dr Ring-Ding ou Mr.E).

Enneri Blaka s’inscrit dans un logique d’auto-production, depuis son premier disque :

Nous avons démarché toutes les productions, labels, distributeurs et tourneurs susceptibles d’être intéressés (au sens large) avec le premier album “big bang”, sans succès. Le disque a ensuite été distribué numériquement par Believe.

C’est cela qui les a menés à la création de leur propre structure, Zamam Records, qui leur a permis non seulement de produire leur dvd live et leur prochain album, mais également de créer un emploi de chargé de communication, qu’ils espèrent rendre pérenne.

Mais Enneri Blaka, c’est avant tout une expérience à vivre en live. Leur présence scénique et la promesse de vibrer sur un groove funky et atypique justifient à eux seuls votre présence à leur concert de mercredi soir à l’International.

Nous en tout cas on y sera !

L’évènement sur Facebook
Site web

Bandcamp

Myspace

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Jérôme Ruskin: “le monde des idées peut être utile à tous” http://owni.fr/2010/09/10/jerome-ruskin-le-monde-des-idees-peut-etre-utile-a-tous/ http://owni.fr/2010/09/10/jerome-ruskin-le-monde-des-idees-peut-etre-utile-a-tous/#comments Fri, 10 Sep 2010 19:35:57 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=27862 L’équipage de la soucoupe apprécie beaucoup l’initiative de Jérôme Ruskin et de son équipe. Au point de se rencontrer, de créer ensemble des applications autour de l’idée d’uchronie, et de vouloir en savoir plus sur leur aventure. A l’occasion de la sortie du numéro deux, entretien avec le fondateur d’Usbek & Rica.

OWNI: Quelle est la genèse d’Usbek & Rica?

Jérôme Ruskin: J’ai fait l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS), sorte de grand kibboutz intellectuel, où il y a 1 000 intellos qui nous entourent. Ils nous transmettent leur savoir, une passion. Et le savoir qu’ils transmettent est super intéressant et utile. Sauf que c’est un savoir qui est très nombriliste, puisque réservé à ceux qui sont dans ces cours, ou à ceux qui ont accès aux revues comme Esprit. Tout le monde peut y avoir accès, mais il faut le capital culturel pour comprendre.

L’idée était de rendre le contenu de ces cours accessibles. C’est l’idée de base: travailler sur cette démocratisation, cette diffusion, et permettre au plus grand nombre d’accéder au monde des idées.

On part de l’intime conviction que le monde des idées peut être utile à tous pour réfléchir sur soi, sur les autres et sur le monde.

Tout à commencé à l’EHESS?

C’est à l’EHESS que j’ai commencé à travailler à une ligne éditoriale: l’ambition était d’être généraliste, de mélanger des jeunes talents et des experts. Comme j’étais très naïf en ce qui concerne la création d’entreprise et qu’en tant que sociologue je ne pouvais absolument pas obtenir de prêt bancaire auprès de mon banquier, j’ai été faire un petit master en entrepreneuriat à l’EM Lyon, et c’est là que j’ai travaillé l’aspect “business model” de la chose.

En parlant de business model, pourquoi avoir choisi ce format et ce modèle de distribution?

Au début j’étais parti sur un scénario de gratuit: quoi de mieux pour démocratiser? Mais il n’y a pas de modèle, surtout qu’on était en temps de crise, et qu’il est de fait très difficile de financer des choses par la pub dans ces moments là. On s’est dit qu’il fallait aller en kiosques, mais on a vite compris que quand on est tout petit c’est compliqué.

On a commencé à travailler en se disant que notre métier était de démocratiser Esprit et la Revue des deux Mondes. Et où sont ces deux revues? En librairie. Donc on s’est intéressé au modèle du livre, XXI est sorti et on s’est dit: “Voilà, c’est possible”.

Ce qui nous a orienté vers ce choix c’est aussi la qualité de la distribution, parce que la gestion des invendus et celle des stocks permettent à terme de faire d’arriver à 10% d’invendus, ce qui est exceptionnel! Un magazine qui fait 10% d’invendus c’est une révolution pour le monde de la presse. Tout ça parce qu’il y a un truc tout con qui s’appelle le code-barre que les libraires utilisent. Cela me permet de savoir exactement où Usbek & Rica se vend. Le livre ne bénéficie pas assez du code-barre, pour un périodique, on peut affiner à terme: c’est ça qui est génial.

La bataille se fait dans le contenu, et pas sur le prix.

En kiosque, la bataille se fait sur le prix: un magazine à un euro et un magazine à deux euros ne se vendent pas de la même manière. En librairie un magazine à 10 euros et un magazine à 15 euros ont des ventes équivalentes à contenu égal, donc c’est vraiment la qualité qui prime.

XXI a servi de modèle?

On est arrivé à cela en tâtonnant. On a creusé ce modèle et au fur et à mesure on a rencontré les bons acteurs pour nous accompagner dans cette aventure. La sortie de XXI a confirmé notre intuition.

C’est à travers le réseau de l’école que j’ai rencontré d’autres acteurs: des gens de chez Hachette, de chez Gallimard. On s’est rendu compte que le modèle du livre était intéressant pour nous. Pour plusieurs raisons: la première est qu’il n’y a qu’un seul pari qui est fait, celui de la qualité.

L’objet en lui-même est  important ?

Dans la matérialité de l’objet on peut aller vers quelque chose de plus intéressant, ce qui est nécessaire voir obligé pour compléter Internet. On oppose pas les deux, c’est pas l’un ou l’autre c’est l’un et l’autre. Mais le papier doit trouvé une nouvelle dimension, et la dimension design/objet est importante, ce qui est permis avec le monde du livre, pas dans celui du kiosque.

On remarque aussi l’importance de la maquette et du design…

On est vraiment sur une dimension objectale importante. En ce moment, on voit l’arrivée des tablettes et liseuses dans le monde du livre, qui posent beaucoup de questions au monde du livre. La dimension design est une dimension très importante à cette égard. Il faut créer de l’objet pour répondre à ces défis, et jouer sur le côté collection et fétichisme de la chose.

Il y a une résistance de l’objet.

La question que je me pose c’est si on est dans un retour ou dans une résistance de l’objet. Moi j’aime à penser qu’il y a une résistance de l’objet. On rencontre souvent des gens qui évoluent dans le monde d’internet et qui sont un peu hallucinés par tous ces formats de mooks [contraction de magazine et de book] parce que c’est souvent des fans de design, en admiration face à un bel objet. C’est vrai que quand je vais à l’imprimerie et que je rencontre des ouvriers qui sont des passionnés, des experts en couleurs, je suis fasciné. Assister à cette chaîne de production c’est énorme.

Q: Usbek & Rica privilégie les contenus au format long, c’est une idée fixe?

On est parti d’une vraie réflexion par rapport à Internet, et tout ce qui tourne autour de la société de la vitesse etc… Aujourd’hui, est-ce que ça a du sens de faire un quotidien papier? C’est une vraie question. Les sites Internet remplisse très bien cette fonction d’information pure. Nous, l’information, on la traite et on la prend pour faire de la formation. On est sur de l’analyse, en essayant de traiter l’information pour faire apprendre des choses aux personnes qui nous lisent. Il y a aussi le fait que cela nous permet d’être plus politique, en insistant sur le côté engagé et engageant de la revue.

Q: Comment s’organise la rédaction pour préparer un numéro?

On est quatre à temps-plein, dix en équipe resserrée, et sur un numéro on fait intervenir une soixantaine de personnes. Notre modèle de création s’articule autour d’un rédacteur en chef et de son adjoint. C’est avec eux qu’on pense les sujets, qu’on essaye de voir ce qu’il est pertinent de traiter pour nous. Surtout que l’on dispose seulement de 12 numéros: ça nous pousse à aller à l’essentiel.

L’idée c’est d’aller chercher des jeunes talents, des jeunes plumes, reconnues ou non, qui veut aller challenger des experts sur des sujets que l’on juge importants. Et c’est en ça qu’on démocratise: on va chercher la substance d’un expert qui travaille depuis des années sur un sujet, qui a pas forcément le temps d’écrire et qui sait pas forcément écrire en démocratisant, et lui dire: “viens nous raconter, vois les questions que nous on se pose, éclaire nous”. Après on reçoit, on se réapproprie et on critique: et on essaye de coucher ça de manière habile sur papier.

Q: Comment définissez-vous vos sujets? Vous avez de l’avance?

On a généralement un numéro d’avance, mais on se laisse tout le temps une marge de manœuvre par rapport à l’actualité. Bien qu’on ne traite pas d’actualité pure, on s’appuie sur elle pour penser nos sujets. La démarche peut se résumer à: prise de hauteur, retour sur des événements: contrepied et contretemps. C’est comme la bédé: on a nos 12 numéros, on sait exactement où va l’histoire: on a donc le fil. Mais les perles qu’on enfile sont liées à l’actualité. Par exemple, dans le numéro 2, on va voir Ribéry, Obama, Benoît XVI… Le canevas est assez précis mais les angles, les accroches, les approches sont liés à l’actu.

Q: Contrairement à XXI, vous n’êtes pas sur du reportage.

C’est intrinsèque à la nature même du projet. Quand je dis que mon boulot c’est de démocratiser Esprit, mon boulot c’est de produire de l’analyse, pas du reportage. A Usbek & Rica on se définit pas comme des journalistes. On n’est pas journalistes: Thierry [Keller, rédacteur en chef] et moi-même n’avons pas une formation de journaliste. Lui il vient du militantisme, de la politique et de la fiction. Notre pari est d’être sur le monde des idées, pas sur celui des faits et de l’actualité. On prend appui dessus mais on essaye d’aller au-delà. Mais le travail journalistique est un travail nécessaire, on ne remet pas ça en cause.

Q: Pourquoi vous vous attachés tant au futur?

La raison première c’est d’être systématiquement dans la proposition, pour être une revue utile et engagée et engageante. Mais faire des propositions sur tout à 26 ans, c’est compliqué. Donc au lieu de faire des propositions fermées on s’est dit : “ouvrons un petit peu le champ et travaillons sur des hypothèses”. Et posons les bonnes questions, ce sera déjà un gros pas en avant. C’est pour ça qu’on traite de la question de l’utérus artificiel et de celle de l’immortalité dans le numéro 1 et que dans le 2 on se penche sur des avancées de la robotique et sur leur influence sur notre société.

On a aussi pensé des formats pour penser le futur: signal faible, scénario etc… On essaye d’accentuer cette dimension pour travailler pour demain. Par rapport à XXI, on peut se dire qu’on est un peu plus engagé. L’utopie sur la fermeture des prisons est symptomatique de cela: on marque clairement qu’on a des choses à dire et qu’on a envie de s’engager sur les grandes questions de société.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Q: Vous commencez à avoir une idée de ceux qui constituent le lectorat d’Usbek & Rica?

Sur un numéro, c’est un peu difficile. On commence à avoir des premières pistes: on touche plus les 25-40 ans, et notre lectorat est bien réparti entre villes et campagnes. Ce sont les seuls indicateurs que l’on a pour le moment.

Q: En terme financier, vous avez de la visibilité?

On est capables de faire 4 numéros sur quasi fonds propres et après faut que ça marche. A fin août, on est à 15 000 exemplaires vendus du 1er numéro, avec un point mort à 20 000. On est donc à 75% du chemin, avec le mois de juin qui était un mauvais mois pour le monde de librairie.

Il y a une dizaine d’investisseurs, qui sont des sortes de parrains. Ils m’ont prêté de l’argent, 200 000 euros en fonds propres, et la banque a complété avec 300 000 euros sous forme de prêt sur lequel j’ai une caution personnelle. Si tout va mal je perds 50 000 euros: c’est une grosse somme, surtout quand on a rien, mais c’est le risque et ça vaut le coup.

Q: Ça vaut le coup parce que tu es passionné…

C’est viscéral: à un moment donné c’était quasi maladif, c’est une obsession! Tu ne sais parler que de ça, tu ne parles que de ça, tu ne penses qu’à ça, et tes meilleurs amis en arrivent à te dire: “Hey mon gars! Arrête! Il y a un match de foot!” Et ils ont raison parce qu’au final qu’est ce qu’on fait? On ne fait qu’un journal, ou une revue… Je n’ai pas inventé le vaccin contre le Sida.

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La presse écrite se meurt, vive l’information par l’écrit ! http://owni.fr/2010/08/19/la-presse-ecrite-se-meurt-vive-l-information-par-l-ecrit/ http://owni.fr/2010/08/19/la-presse-ecrite-se-meurt-vive-l-information-par-l-ecrit/#comments Thu, 19 Aug 2010 10:44:40 +0000 Régis Confavreux http://owni.fr/?p=25281 Il y a près de deux ans, le 2 octobre 2008, Nicolas Sarkozy inaugurait les États généraux de la presse écrite. Rappelant aux acteurs de l’information présents ce jour là à l’Élysée que l’État consacrait plus d’un milliard d’euros [la réalité étant plus proche de 1,5 milliards] chaque année à ce secteur économique, soit environ 10% de son chiffre d’affaires, le chef de l’État soulignait que « l’avenir de la presse relève en grande partie de votre responsabilité. Vos difficultés ne trouveront aucune solution si vous restez divisés (…) ».

Ces mots sont restés sans écho. Et si les États Généraux ont accouché de nombreuses mesures, elles sont à l’image de la profession puisque préconisées par elle : une pharmacopée budgétaire et technique certes indispensable, mais qui conforte la Presse écrite dans son image de corps malade et sous assistance… Jusqu’aux prochaines élections présidentielles, sans avoir eu à se pencher, du fait de ses propres divisions, sur ses responsabilités.

La Presse divisée

La Presse est un des rares secteurs de l’économie française divisée en une vingtaine de syndicats, dont sept principaux (deux pour la presse magazine et cinq pour la presse quotidienne), pour se limiter à la presse « papier ». Cette situation est hautement préjudiciable. Non seulement la Presse investit lourdement dans des structures qui stigmatisent ses propres divisions, mais en plus, elle permet à ses interlocuteurs – l’État, Google, les annonceurs – de mener le jeu.

Le discours inaugural de Nicolas Sarkozy énumère en filigrane les enjeux principaux sur lesquels les Éditeurs devraient s’unir et réfléchir ensemble. Plutôt de que de laisser un système d’imprimerie peu efficace et onéreux perdurer, la Presse quotidienne ne devrait-elle pas sortir du système d’organisation du travail dominé par le Syndicat du Livre par la voie de la négociation et en mutualisant ses moyens financiers et humains ? On l’a vu dans d’autres secteurs (la manutention portuaire par exemple), l’État est là pour accompagner ces mouvements de modernisation, dès lors qu’ils dénotent un esprit de responsabilité aujourd’hui difficile à déceler.

Et que dire de la distribution de la presse : plusieurs réseaux de distribution coexistent dans une ignorance mutuelle, hormis quelques initiatives récentes et limitées: le réseau postal pour la distribution de la presse à ses abonnés ; le réseau des Messageries pour le service de la Presse à ses acheteurs en kiosques,  lui-même scindé entre les NMPP et les MLP, qui se font la guerre plus qu’ils n’optimisent leurs services ; et les réseaux de portage, propriétés privées de la Presse Quotidienne Régionale pour l’essentiel, qui se substituent à la distribution postale et se développent en ce moment même avec l’aide financière renforcée de l’État (78 millions d’euros par an). Même si les mentalités changent peu à peu, le discours dominant est qu’il n’y a pas, ou peu, de mutualisation de réseau à espérer ; et au-delà, qu’une politique de gestion de réseau désormais entrée dans les mœurs ailleurs (transports ferroviaires, réseaux énergétiques par exemple), fondée sur le principe de la séparation de gestion des infrastructures et de la gestion des flux, ne serait pas applicable à la distribution de la presse.

La Presse reste enfin profondément corporatiste. A cet égard, les conclusions des États Généraux de la Presse sur le métier de journalisme sont essentiellement conservatrices, allant jusqu’à officiellement demander de préserver les clauses de conscience et de cession – qui permettent à tout journaliste, du correcteur au directeur de la rédaction, de quitter l’entreprise avec des indemnités de licenciement (1 mois de salaire pour les 15 premières années d’ancienneté, le surplus faisant l’objet d’un arbitrage souvent plus favorable encore au salarié) en cas de changement de « ligne éditoriale » (concept par ailleurs non défini) ou de capital de l’entreprise.

Si une « révolution professionnelle » était en cours, la Presse pourrait s’intéresser à des questions stratégiques : comment informer dans un monde multimedia et interactif ? Un journaliste de la « Presse» va-t-il se mettre à créer efficacement du son et de l’image à coup de quelques formations professionnelles ? Ne faudrait-il pas songer à rapprocher les médias – radio, TV, écrit – pour que les excellences, au lieu d’être soigneusement jalouses les unes des autres au contraire coopèrent et se syndiquent (au sens anglais du terme) pour satisfaire les attentes des citoyens ?  Comment mieux maitriser les relations avec les moteurs de recherche, plutôt que de subir ? Pourquoi ne pas s’unir pour développer de nouveaux services digitaux ?  La liste est longue.

La Presse victime d’elle-même

La crise de la Presse est bien antérieure, on le sait, à la crise financière globale de 2008. Traditionnellement financée par sa diffusion, mais aussi et majoritairement par la publicité et par l’État, bénéficiant de son statut de gardien de la démocratie, tout lui parait permis, et en toute impunité par rapport aux contraintes économiques. Assez tôt, une partie de la profession a cru tirer avantage à diffuser « gratuitement » – c’est-à-dire avec des coûts mais sans recette de diffusion – qui des programmes TV, qui des suppléments de fin de semaine, ou qui des petites annonces. C’était le premier aveu du peu de considération que l’Éditeur se fait de ses propres contenus. Ce modèle longtemps marginal a fait une percée fulgurante à l’aube du XXIe siècle avec les quotidiens gratuits.

Ce modèle a été considérablement renforcé par l’émergence de l’Internet, qui a donné naissance au mythe, cette fois-ci, du « tout » gratuit. En particulier sous la pressions des régies publicitaires est née l’idée d’une « économie Internet » différente de l’économie «classique» et croyant pouvoir s’affranchir des règles de cette dernière, puisque fondée sur l’échange et le gratuit – ce qui en effet est antinomique avec les modèles dits classiques.

La Presse se lance alors dans une course à l’audience, toujours jugée décevante par les annonceurs et les régies publicitaires. Dans cette course, les Éditeurs s’essoufflent et tombent à genoux devant Google pour que leurs contenus apparaissent, contre rémunération, dans le moteur de recherche : c’est ce qu’on appelle pudiquement le « référencement », système par lequel le moteur va mettre en avant tel contenu sur tel sujet, et d’autant plus visiblement qu’il est plus consulté par les internautes.

Aujourd’hui, un Éditeur non référencé par Google est un Éditeur réputé invisible sur la Toile. En revanche, un Éditeur de presse bien référencé peut rêver d’une audience en croissance asymptotique. Dans ce marathon épuisant, c’est en premier Google qui augmente son audience, et ce faisant, met la main sur la moitié du marché publicitaire numérique mondial. Les diffusions payantes plongent ? La solution envisagée est ensuite la vente à l’acte des articles… par Google ! En résumé, les éditeurs de  presse donnent leurs contenus à un organisme qu’ils paient pour les diffuser gratuitement et à qui ils s’apprêtent à confier leur diffusion payante. Cela ne suffit pas ? Aujourd’hui Google annonce être en mesure de sauver la Presse.

Au–delà des aspects financiers, le référencement fonctionne par mot-clés à faire apparaitre dans les titres et sous-titres. Dès lors, les articles des différents organes de presse sont rédigés avec les mêmes mots, destinés à satisfaire l’objectif de remontée optimale dans les moteurs de recherche. Adieu les idées, les opinions et les titres bien sentis : tous sont sacrifiés sur l’autel du conformisme au nom du référencement et d’audiences aux limites toujours fuyantes.

La Boétie comme source de réflexions ?

Les professionnels qui ont développé avec Google (et aussi avec l’État, tout au moins en France) ce qui ressemble fort à un syndrome de Stockholm pourraient relire ou lire le « Discours de la servitude volontaire » d’Étienne de La Boétie :

« Ce tyran seul, il n’est pas besoin de le combattre, ni de l’abattre. Il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s’agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner. »

Et de fait, Google n’a aucun journaliste et aucun savoir-faire dans le traitement de l’information, il n’a que ce que les Éditeurs, sermonnés par les régies publicitaires, lui donnent, voire lui « achètent », ici entendu comme : donner ses biens (effet servitude volontaire) et au surplus le payer pour cela (effet syndrome de Stockholm) .

Mais maintenant qu’il lui a été beaucoup donné, que faire ? Le pronostic de La Boétie est sombre : « j’admets [que l’homme] aime mieux je ne sais quelle assurance de vivre misérablement qu’un espoir douteux de vivre comme il l’entend ». Ah… Il ne reste donc qu’à savoir qui sera le tyran naissant des cendres de nos phénix :

  • Soit un agrégrateur de type Google : mais « plus les tyrans pillent, plus ils exigent ». La prochaine étape serait donc l’installation de Google Inc à l’étage de direction de nos entreprises de presse (directions de la rédaction et directions générales).
  • Soit un agrégateur d’un autre type, né de l’union des médias – pas seulement de l’écrit – actuels ou nouveaux entrants, pour faire démentir La Boétie.

Il serait logique que le gagnant soit celui qui détienne le savoir-faire. Le marché de l’information a besoin d’acteurs puissants, prêts à cesser de donner pour survivre et  à même de faire respecter les règles de concurrence saine et loyale sur ce marché. C’est ici que la problématique de l’union professionnelle revient en question, et c’est ici aussi que se pose la question de l’influence de l’État sur le marché de la presse via les aides. Des aides dont les effets structurants pour l’avenir des métiers de l’information devraient être examinés ; et dont les distorsions en termes de concurrence devraient être analysées.

Se prendre en charge, mais comment ?

Le modèle « avant 2008 » de la Presse touche à sa fin. La gratuité – ou plus justement, le cycle de destruction de valeur – couplée à une incapacité à moderniser ses méthodes de production et de distribution pour améliorer de façon drastique sa productivité, ne permet plus de prétendre se développer sans changer de modèle économique. C’est ce nouveau modèle économique qu’il faut refonder – il ne s’agit pas tenter trouver un modèle économique de l’Internet. Ce nouveau modèle ne peut passer que par une remise en cause professionnelle, qui touche à la façon de produire, d’imprimer et de diffuser physiquement ou digitalement du contenu de qualité, c’est-à-dire un contenu qui ait une valeur intellectuelle et monétaire aux yeux des lecteurs.

Arrêter d’appauvrir les rédactions, et investir dans la qualité du contenu ; cesser les querelles de famille et s’unir, tant sur le plan professionnel qu’industriel pour être en mesure de discuter à part égale avec les interlocuteurs  – publicitaires, moteurs de recherches – des médias , voici en deux phrases condensées ce qu’il faudrait viser, mais qui implique une véritable révolution des processus de production de l’information écrite. Encore plus brièvement exprimé, moins de dépendance et plus d’initiative. Alors, nous pourrons oublier les sombres anticipations de La Boétie.

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Crédits Photo CC Flickr : Sicoactiva, Xanxhor, Iboy_Daniel, Otherthings.

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