Une data viz en Une du Monde lemonde.fr/journalelectro…
— Eric Scherer (@EricScherer) Juin 11, 2012
Puisqu’on vous dit que vous êtes au bon endroit ! La “data” est partout, elle est même en “une” du Monde papier (bon, elle est un peu biaisée, mais l’idée est là) et ça ne va pas s’arranger. Rien que pour cette semaine, on vous parle vite fait de trois actualités Owni avant de passer à la veille proprement-dite.
Primo, votre chronique hebdomadaire des Data en forme (35e épisode sous vos yeux) est désormais en “vedette” du Parisien (papier + web) le week-end. Alors oui, c’est un condensé, un extrait, un florilège, et ça vient quelques jours après la parution originelle de la veille des journalistes de données d’Owni. Mais on ne boude pas notre plaisir qu’un sujet a priori calibré pour les geeks et autres énergumènes à la marge figurent dans un canard aussi populaire, aussi grand public, aussi “mainstream” (brrrr) que Le Parisien. On va faire les Gramsci de bazar, là, mais la culture à portée de tous, etc.
Secundo, Owni soutient à 200% depuis hier et pour toute cette semaine une remarquable opération de journalisme participatif, ou média citoyen selon les goûts, bref de crowdsourcing : l’Opération Sodas des amis d’Open Food Facts (OFF).
Le principe de cet #opensoda d’OFF est très simple : libérer les informations nutritionnelles contenues dans ce que nous consommons chaque jour. Aujourd’hui, la transparence de ces informations est loin d’être acquise, notamment à cause des gentils lobbys qui s’occupent de pouponner notre santé. Avec Owni et TerraEco, OFF va changer la donne, en rendant parfaitement transparentes ces informations écrites en tout petit sur les emballages de notre quotidien, et cette opération à destination du bien-être général sera principalement propulsée par ses heureux bénéficiaires : les citoyens eux-mêmes.
Commençons donc avec les boissons gazeuses sucrées qui jalonnent notre petit parcours de consommateur : caramel et aspartame cancérigènes ? Sucres responsable de l’obésité ? Bulles qui piquent le ventre à en dévorer un steak ? À nous de jouer !
Tertio, Marie Coussin sera sur la scène ce mardi soir d’un Data Tuesday spécial #dataviz – dans le cadre de la manifestation Expoviz que nous vous avons déjà relatée. Marie y présentera le Véritomètre, plate-forme Open Data de vérification de la parole politique (“fact checking“) qu’Owni a réalisée avec i>TELE durant la présidentielle et qui a largement occupé les jours et les nuits de Paule d’Atha.
Restons sur cette merveilleuse (et ancestrale) technique de visualisation de l’information. Dans notre sélection de la semaine – puisqu’il faut faire un choix – nous vous suggérons de vous pencher sur quatre projets très réussis.
Le premier est l’oeuvre de Power2Switch, une start-up de Chicago qui propose un outil de comparaison des différentes compagnies d’électricité et offre la possibilité au consommateur final de comprendre enfin ce qu’il paie grâce à un modèle de facture parfaitement original et inédit.
Le but : pas uniquement de faire joli, mais de parvenir à responsabiliser (et à faire économiser) le client en lui donnant une bien meilleure visibilité sur l’énergie qu’il consomme.
Le deuxième projet est l’oeuvre de Hyperakt pour la Fondation Thomson Reuters à l’occasion du G20. Après avoir pondu une série d’infographie l’an dernier afin de visualiser les cinq pays les plus dangereux de la planète, ce studio de design new-yorkais indépendant a remis le couvert avec les mêmes commanditaires pour mettre en lumière le “top 20 des meilleurs et des pires pays du G20 pour les femmes”.
Comme on peut s’y attendre, la France ne présente pas un visage époustoufflant – notamment sur les questions de représentation de la femme dans les instances et corps dirigeants du pays – mais en décrochant une 5e place derrière le Canada, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Australie, elle est en plus agréable posture… que l’hôte du G20 cette année, le Mexique, 15e du classement avec ses 300 femmes assassinées à Juarez l’an passé en toute impunité ou ses 25% de femmes abusées sexuellement par leur partenaire.
Le troisième travail choisi est une infographie (en anglais, encore une fois) déjà passée dans notre viseur mais qui circule de nouveau, démontrant qu’en matière de médias nous n’avons que “l’illusion du choix”. Où l’on y visualise, par exemple, que 90% des médias US étaient détenus en 1983 par 50 entreprises différentes, alors qu’aujourd’hui le contrôle est détenu par six mastodontes – dont le chiffre d’affaires annuel dépasse allègrement le PIB de la Finlande. Six géants qui gèrent aussi 70% de ce qui passe à la télé.
Où l’on y voit que la fusion de Comcast et NBC leur assure le contrôle de 20% des heures disponibles et le monopole de 11 marchés entiers dont New York et Chicago ; que 178 millions de personnes s’informent chaque mois avec des journaux appartenant à Time Warner ; que News Corp détient les plus gros journaux sur trois continents et ont “évité” de payer 875 millions de dollars en 2010 – ou encore que Clear Channel possède 1 200 stations de radio tandis que la loi lui interdit d’en posséder plus de 40, et que dans le Dakota du Nord elle possède même localement l’intégralité du réseau. Bref, une infographie qui est jolie et qui informe, et qui fait donc son boulot.
Dernière idée partagée cette semaine en matière de visualisation statique, celle du CV infographique. Le concept est au coeur d’une cogitation et d’une ferveur (ou inversement) depuis pas mal de temps, notamment avec une plate-forme comme Visualize.me. Ce précurseur se connecte à votre compte Linkedin pour vous pondre une représentation “épurée” (voire zen, hein) de votre parcours professionnel sous la forme d’une frise chronologique qui aurait avalé un mobile de Calder.
Dans le genre plus abouti – et surtout plus participatif – il existe donc, désormais CVgram. Alors attention : les goûts, les couleurs. Autant pondre un curriculum vitae ultrastylé pour en balancer plein les mirettes de son futur employeur, qui appréciera votre côté 2.0 (voire 3.0), pourrait être une merveilleuse idée, autant CVgram est également l’outil parfait pour réaliser un CV vraiment très très moche.
Tout est une question de finesse et de calibrage. Car – on le remet ici – une infographie qui fait son boulot est une infographie qui est jolie et qui informe. A bon entendeur, n’hésitez pas à vous inspirer chez les collectionneurs de CV infographiques, ce sont eux les spécialistes du bon goût (#oupas).
Paule d’Atha est parfois sollicitée par des étudiants au cours de la rédaction de leur mémoire portant sur le journalisme de données. S’il est une question qui revient, souvent, c’est celle de la “nouveauté” du métier de data-journalist et précisément de la représentation “graphique” de l’information. Et la réponse, la même, inexorablement : bien sûr que non. Nous ne faisons qu’offrir un courant d’air frais et une régénérescence à une pratique qui existe depuis des lustres.
Pour preuve, ces cartes de la seconde moitié des années 30, qui démontrent comment, à cette époque, déjà, des firmes immobilières établissaient une cartographie discriminante (“redlining maps”) et comment cette pratique pourrait expliquer en grande partie la ségrégation résidentielle des grandes villes – ici aux États-Unis, à Philadelphie – mais l’idée est évidemment valable dans toutes les métropoles du monde.
Ciblée sur cette époque particulièrement critique, ce travail de cartographie discriminante déroule le spectre d’un racisme institutionnalisé : des zones à “prédomination” “italiennes”, “de couleur”, “juives” et des classes sociales (classées de “décadentes”, soit plus bas que les plus bas, jusqu’aux “classes les plus hautes”). Et la finalité, unique : cerner les quartiers “indésirables” afin de diriger les populations vers des bassins d’habitation qui “conviennent” à leur “groupe”.
Un bon gros pétage en règle du concept moderne de mixité sociale, poussé à l’extrême par ces Etats-Unis ségrégationnistes d’avant-guerre, puisqu’on découvre à travers ces cartes discriminantes qu’elles étaient accompagnées d’une autre “merveilleuse” pratique pleine d’humanité : note ton voisinage. Des “travailleurs” à “prédominance italienne” avec une “infiltration” de “nègres” : classe D. Les bailleurs et propriétaires s’y retrouveront pour éviter que les “nègres” en question puissent acheter leur maison, ou alors ailleurs.
Une fois n’est pas coutume – et pour sauter du coq à l’âne – il nous est impossible de passer sous silence deux visualisations de données ayant trait au sport. Parce qu’elles le valent bien.
La première application est une version nettement améliorée (mais sans doute avec des moyens financiers très différents) de ce qu’Owni avait réalisé l’an dernier avec Eurosport autour du mercato de football. Cette année, une idée très semblable accompagne l’Euro2012 de l’UEFA : traquer le bruit généré sur Twitter par l’ensemble des joueurs participants à la compétition, une idée développée par la société Intactile Design avec l’aide de la technologie de Syllabs, une start-up française spécialisée dans l’analyse sémantique sur le web.
Aspect “social” couplé avec une grosse boîte à data (Opta, leader sur le marché), donne un résultat final (pour qui aime le foot, s’entend) qui s’appelle Stats n’Tweets et qui est plutôt convaincant : au moins l’application est-elle divertissante, ce qui est sans doute son objectif principal.
La seconde application cause basket US (NBA) mais elle joue, pour sa part, plutôt dans la Ligue des Champions de la data. Le méfait a été commis – pour changer – par trois journalistes de données du New York Times et l’analyse réalisée par un professeur… de géographie.
Le concept : démontrer grâce à un traitement de cartographie calorimétrique dans quelle zones du terrain les équipes finalistes de la NBA et leurs joueurs vedettes sont les plus dangeureux. C’est propre, c’est intelligent, c’est abordable aux profanes, c’est jQuery + CSS : c’est tout ce qu’on aime.
Nous refermons cette veille hebdomadaire grâce à une vidéo dénichée par Eric Scherer, qui est “une infographie animée japonaise réalisée à partir de données publiques et illustrant l’activité sismique mondiale en 2011”. Le mois de mars au Japon se passe de commentaires.
Cliquer ici pour voir la vidéo.
Excellente data-semaine à tous !
]]>Volonté d’indépendance, rejet de la casquette de régulateur et correction de certaines erreurs d’appréciation (dont une chiquenaude remarquée au chef de l’Etat: “l’Internet n’est pas le ‘far web’” (p. 14) ), le tout présenté sans détours ni langue de bois, ont séduit les observateurs.
Quelques doutes subsistent néanmoins, sur les valeurs et surtout l’efficacité réelle du futur Conseil, dont la création devrait être actée d’ici deux à trois semaines, indiquait il y a quelques jours le responsable juridique de PriceMinister Benoît Tabaka. Une information confirmée par PKM, qui se livre pour OWNI à une petite explication de texte.
Le CNN doit être deux choses. Tout d’abord un lieu de dialogue, le plus en amont possible. Sinon, sans consultation, il y aura nécessairement opposition et une réaction hostile aux projets de loi. Les “c’est du n’importe quoi”, les “c’est pas bon” repartiront de plus belle. Il faut sortir de cette boucle.
Il doit aussi avoir un rôle de prospective: proposer des idées pour une politique du numérique à long terme, en consultant les acteurs du secteur. Orienter la politique numérique. Le problème aujourd’hui est que bien souvent, il y a plein d’idées, des propositions sont faites, mais que chaque année et demi, le gouvernement change et que tout est bouleversé. Du coup, on ne fait rien.
Il faut se donner les moyens de regarder dans le rétroviseur, de constater ce qui a été fait ou non, de ce qui a été une réussite ou un échec. Si on revient toujours à zéro, c’est infernal ! On n’a jamais le temps de faire quoi que ce soit et ça, c’est terrible, surtout pour le numérique.
On ne peut pas obliger la saisine du CNN. Par contre, le comité peut s’auto-saisir de certains dossiers et même en refuser certains: dans la mesure où le numérique concerne un très grand nombre de domaines, et ce de plus en plus, on ne peut pas imaginer qu’il s’occupe de chacun d’entre eux.
Après, il est vrai que si trop de dossiers importants passent sans saisine du CNN, il y aura un vrai problème.
Certains disent en effet que le rapport va complètement à l’encontre du ministre et de son plan France Numérique 2012. Je ne pense pas que ce soit aussi tranché.
En me demandant de rédiger le rapport, c’est vrai qu’Eric Besson prenait le risque de voir des avis divergents du sien. Il se doutait que je n’allait pas aller systématiquement dans son sens. Je me demandais évidemment ce qu’il allait penser du rapport, mais visiblement il a respecté mes réflexions. On ne m’a rien demandé de changer, ce que je n’aurais d’ailleurs pas fait. Eric Besson m’a remercié pour mon travail dans un communiqué, mais je n’ai pas eu d’échanges directs sur le contenu du rapport. A mon avis, le ministère est plutôt content du résultat; j’espère qu’il va le suivre.
J’ai recommandé que le CNN soit rattaché au Premier Ministre, notamment d’un point de vue financier. C’est un gage d’autonomie, ce n’est pas dirigé à l’encontre d’Eric Besson. Il y a aussi un enjeu sur le fond: Internet est un sujet transverse, il ne peut être rattaché à un seul ministère…
Après, s’il n’est pas dégagé du gouvernement, le CNN ne servira à rien. On a besoin d’une sorte de comité des sages avec des gens qui connaissent très bien le numérique. Non pas des lobbyistes, mais des acteurs dont la légitimité est reconnue, mais aussi des internautes, afin qu’ils dialoguent avec le gouvernement et le Parlement.
Le but est aussi de venir à bout de cette opposition ridicule du Parlement et du monde du numérique, jusque là impliqué bien trop tard dans les projets de loi. Forcément, le processus force l’opposition, la réticence. Cette réflexion peut mieux se passer. Un exemple: si on avait choisi ce mode de fonctionnement, on aurait évité plus tôt une absurdité comme la taxe Google.
Oui, mais toute proportion gardée, le CNN n’est qu’un aiguillon de la politique numérique; son rôle n’est que consultatif. Il faut être réaliste: les endroits où les décisions sont prises existent déjà.
Mais si les membres sont légitimes, et qu’on se donne les moyens de faire entendre leur voix, alors peut-être qu’on ira au-delà de l’opposition stérile que j’évoquais. Après bien sûr, certains sujets comme Hadopi, sont éminemment politiques et les oppositions seront toujours là. Mais si on peut évacuer quelques points en discutant, tant mieux.
Franchement, oui. Parfois ils se disent un peu démunis, parfois carrément perdus et le fait d’être assailli par les actions des lobbyistes n’arrange rien…
Il faut voir que c’est un secteur très technique, qui nécessite en plus de se prononcer très rapidement.
Se pose la question de l’interlocuteur: à qui parler, sachant qu’il existe un grand nombre d’associations, très différentes les unes des autres. Celles-ci travaillent depuis longtemps à une sorte d’unification du numérique, le CNN pourrait, si ce n’est les rassembler, aller au-delà en incarnant l’ensemble du secteur. Il pourrait être une interface entre les ministères et les institutions concernées, en établissant un meilleur dialogue.
Si, effectivement.
Prenons le cas d’Hadopi: selon moi, l’institution n’aurait jamais dû être créée. Selon moi, on va très vite se rendre compte que la Hadopi ne marche pas, certains le constatent d’ailleurs déjà. Le problème c’est que ce ne sera jamais supprimé, c’est symboliquement et politiquement trop important pour voir une telle décision survenir et c’est dommage. Le CNN ne peut pas réparer les erreurs passées, mais si il peut les éviter dans le futur… Maintenant que la Hadopi est là, le CNN peut peut-être aider à son action… Mais c’est vrai que je n’y crois pas tellement. Ca ne va certainement pas se passer comme ça.
Selon moi, c’est forcément mieux de l’avoir que de ne pas l’avoir. Je suis convaincu que s’il avait été constitué avant, on aurait évité des lois absurdes. Donc c’est forcément positif.
La question désormais est de voir à quel point il sera légitime et cela dépend du casting à venir. Il y a un risque qu’il ne soit pas bon. Cette crainte est légitime; c’est une mise en garde assez saine.
C’est précisément pour cela que nous avons mis en place la consultation publique, à laquelle les blogueurs ont finalement assez peu répondu, ce qui nous a surpris, à l’inverse des entreprises. Je ne pense pas que ça donne une couleur au rapport, c’est plus le signe qu’elles ont un intérêt pour Internet.
A l’origine, nos consultations ne mentionnaient pas vraiment l’aspect économique. C’est avec les différentes réponses récoltées qu’on en est venu à aborder ce point. Ce n’est pas complètement absurde, quand on réfléchit la plupart des grands débats sur Internet sont orientés sur l’économie du numérique: la taxe Google, la propriété intellectuelle…
Franchement, je n’en sais rien. C’est éminemment politique. Nicolas Sarkozy a dit que le G20 allait se focaliser sur Internet. Créer le CNN avant cet événement est donc plutôt une bonne chose. Après, je ne suis pas complètement convaincu que des choses intéressantes se dégagent dans ce cadre là. Les enjeux sont beaucoup plus compliqués, chaque pays a sa propre vision du réseau: une forme de domination culturelle pour les États-Unis, un moyen de contrôler l’info en Chine… je caricature volontairement, mais en gros c’est ça: chaque pays a des intérêts divergents.
Courant mars, il devrait avoir la publication de deux décrets -ou de deux en un -, l’un sur la nomination des premiers membres du CNN, l’autre sur la mission du CNN, qui j’espère reprendra de nombreux éléments du rapport.
L’Elysée a choisi la nomination du CNN, certainement pour garder la main dessus et pour aller plus vite. De notre côté, nous voulions des élections: du coup nous proposons une nomination pour le premier comité, pour des raisons d’urgence, mais espérons, dans un deuxième temps, après les premiers mandats de deux ans, une élection.
On peut envisager que les associations votent, collège par collège: associations de FAI, d’e-commerçants, de fournisseurs de contenu, de consommateurs, etc. Ce serait un excellent moyen d’assurer la plus grande représentativité.
Oui, c’est un peu la fête ! Ils lisent tous le rapport et j’ai beau leur dire que je ne m’occupe pas de la composition, ils ne me croient pas. Les profils sont plus ou moins légitimes et très diversifiés: du grand patron de groupe aux blogueurs. Je transmets au ministère de l’industrie quand les candidatures me semblent pertinentes. Il y en a beaucoup plus que le nombre de places.
Entre dix et douze, dont trois ou quatre permanents.
Pour moi, les membres du Conseil devront être bénévoles (je précise que je l’ai été aussi pour cette mission), sinon leur indépendance ne saurait être assurée. Cela permettra aussi d’établir une structure plus légère qui est nécessaire au bon fonctionnement du CNN.
Oui, je pars en vacances ! Sérieusement, je ne veux pas en être. Je ne peux pas être à la fois responsable de la mission et membre du CNN. Si cela avait été le cas, on m’aurait taxé de ne pas être indépendant et de me fabriquer un job sur mesure. Je suis en plus très occupé et pour que le CNN fonctionne, il faut selon moi lui consacrer beaucoup de temps. Mais cela ne veut pas dire que je serai absent du débat public sur le Comité et sur Internet.
]]>Car Bloomberg affirme aussi que l’exploit de BNP Paribas a été rendu possible par la nonchalance du législateur français, qui se moque totalement de la régulation bancaire, en flagrante opposition avec les envolées lyriques de Nicolas Sarkozy… devant les caméras tout du moins
Résultat : d’une part, BNP possède certainement l’un des ratios de capitalisation les plus faibles de la place européenne, et, d’autre part, la France (avec l’aide de l’Allemagne) s’emploie systématiquement à torpiller les propositions de régulation avancées dans le cadre des négociations internationales en cours (Bâle III). Au grand dam de la Suisse, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, qui ont déjà commencé à serrer la vis.
Nos banques ne parient pas sur des produits aussi moisis que les subprimes. Certes. Mais il ne faudrait pas oublier que BNP Paribas est exposée à hauteur de 15% de son capital sur la zone (à forte activité sismique) Portugal-Irlande-Grèce-Espagne. Et si l’on rajoute la Belgique et l’Italie, on atteint les 75%. Pas franchement rassurant, alors que les rumeurs d’aggravation de la crise économique se font de plus en plus précises.
Une réunion d’urgence des ministres européens est d’ailleurs planifiée, ce soir [mardi 16 novembre au soir, NdE], sur le sujet. Le risque systémique français grandit, tous les jours, au rythme de la goinfrerie bancaire de nos joyeux financiers. Et la France se retrouve dans la situation de l’Irlande, en début d’année dernière. Que BNP éternue et c’est la France qui s’enrhume.
« Les banques françaises ne seront sans doute pas soumises à des règlementations très strictes, à cause de leur importance économique » a déclaré Dirk Hoffmann-Becking, un analyste londonien de Sanford C. Bernstein. Introduire des règles plus rudes reviendrait à « réduire leur gagne-pain, et le gars qui va payer pour ça, c’est le consommateur français » conclut-il. Prions pour que les analystes ne se mettent pas à avoir raison…
(* : l’évaluation de Bloomberg est délicate car les normes comptables bancaires européennes et américaines sont différentes)
Billet publié initialement sur Les mots ont un sens sous le titre Les actifs de BNP Paribas dépassent le PIB de la France.
Photos FlickR CC Marc Vie ; Caroline et Louis Volant.
]]>Le G20 va faire sonner faux les trompettes, en vue d’annoncer l’adoption d’une nouvelle régulation des banques (Bâle III), bien qu’elle soit encore arrêtée à mi-chemin, faute de dispositions anti-sytémiques que l’on ne parvient pas à définir et devant la levée de boucliers des mégabanques. Mais il laisse largement de côté celle des produits financiers sophistiqués et des marchés, sur lesquels se réalisent leurs transactions.
L’avenir du shadow banking est dans ces conditions pleinement assuré, les banques utilisant déjà leurs filiales pour contourner les réglementations actuelles et futures. Certains analystes considérant de surcroît que les restrictions apportées à l’activité des banques va les amener à prendre encore plus de risques dans le secteur non réglementé, afin d’améliorer leur retour sur fonds propres, qui vont devoir être augmentés.
Accréditant cette perspective, Ceyla Pazarbasioglu, une experte du FMI, vient d’évoquer dans un document appelé « Conséquences des réformes de la régulation sur les institutions financières grandes et complexes », la possibilité que :
certaines activités pourraient se déplacer vers le secteur bancaire parallèle, moins régulé, en raison de la hausse du coût réglementaire de telles activités.
Décrivant au passage le mode opératoire qui pourrait être suivi :
La plupart de ces institutions ont des modèles économiques souples, et par conséquent pourraient être en mesure de faire bouger leurs activités depuis des secteurs régulés vers d’autres non régulés, par exemple la gestion d’actifs, les fonds spéculatifs, ou vers d’autres régions ou pays où la régulation coûte moins (…) Et donc, au lieu de réduire véritablement le risque systémique, nous pourrions finir par le déplacer vers d’autres zones d’ombre qui pourraient à l’avenir revenir nous hanter.
Que propose le document du FMI, pour s’en prémunir ? Il appelle à une « coordination mondiale pour établir des mécanismes efficaces de démantèlement et de partage des tâches pour gérer les institutions multinationales en faillite », car – estime-t-il – « les faillites futures sont inévitables ». « Un accord sur les régimes transnationaux de démantèlement doit être une priorité élevée » avance-t-il en conséquence, exigeant « un engagement politique aux plus hauts niveaux ».
Quand ce ne sont pas les Etats européens – dont la faillite future doit être organisée afin d’éviter les débordements – ce sont les banques transnationales, c’est-à-dire les mégabanques, que l’on cherche à munir d’un dispositif de même type, en s’appuyant sur l’établissement par leurs soins de « testaments ». Laissant pendante et ouverte, exactement comme pour le futur « dispositif de crise » européen, la très délicate question de qui va payer l’addition. Ainsi que, dans le cas des mégabanques, celle de l’autorité suprême qui pourra imposer les décisions. Il y a encore du pain sur la planche !
En Europe, on avance à pas de fourmis. Ici, on propose de « ne plus autoriser » (pour ne pas dire interdire) les ventes à découvert « à nu » des actions et des obligations d’Etat, là de mieux « encadrer » le trading à haute fréquence, « en bonne intelligence avec les Etats-Unis » est-il précisé. A ce propos, on attend toujours qu’un accord se fasse à propos du passeport Européen des hedge funds, bloqué par les Britanniques et dénoncé par les Américains, dont l’objet est de mieux les identifier et contrôler.
Faudra-t-il que la bataille soit terminée pour que la suggestion de Michel Barnier, commissaire chargé des affaires financières, de « rééquilibrer les groupes d’experts » conseillant la commission, afin qu’ils ne soient plus sous l’écrasante domination des représentants de l’industrie financière, connaisse un début d’application ?
Le dossier des agences de notation fait aussi couler beaucoup d’encre parmi les Européens, le Comité de stabilité financière (FSB) s’en étant également emparé. La confiance qui leur est accordée, remarque ce dernier, conduit à une « réduction néfaste de la capacité des banques, investisseurs institutionnels et autres acteurs de marché à évaluer le risque de crédit ». Le FSB en tire la conclusion naturelle qu’il faut « réduire la dépendance mécanique aux notations et encourager l’amélioration des capacités à évaluer de manière indépendante le risque de crédit ». Par « dépendance mécanique », comprenez prise en compte de leur avis.
Implacable logique qui contourne toute interrogation sur la faisabilité même de cette évaluation, dans les conditions concrètes du marché, ainsi que sur l’implication des agences de notation dans un système revenant à leurrer et non pas à éclairer. Aboutissant à la magistrale proposition, faite aux autorités nationales, de « si possible » exclure les agences de notation comme instruments d’évaluation des risques, et de les remplacer par « des alternatives plus
adaptées », sur lesquelles on n’en saura pas plus. C’est ce qui s’appelle faire un grand pas en avant.
Enfin, le nouveau contexte politique américain amène à s’interroger sur les velléités annoncées des républicains de revenir sur les pourtant timides dispositions de la loi Dodd-Frank, créant à tout le moins un climat très défavorable aux tentatives de certains régulateurs, qui ont le mandat de définir les modalités d’application, de les durcir.
Tout cela ne peut être compris que comme l’expression d’une profonde connivence avec le système financier, à moins que cela ne résulte, dans le meilleur des cas, d’une toute aussi grande incapacité à appréhender dans toute sa dimension la crise actuelle. Car cela impliquerait des mises en question indicibles.
Au bout du compte, qui va croire cette nouvelle chanson ?
Billet publié initialement sur le blog de Paul Jorion sous le titre Une régulation en faillite.
FlickR CC Stolen Art ; Fatman walking ; The Library of the Congress.
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