OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Politics fiction: qui s’occupera des deux (ou trois) Belgique ? http://owni.fr/2011/01/17/politics-fiction-qui-s%e2%80%99occupera-des-deux-ou-trois-belgique-partition-wallonie-bruxelles/ http://owni.fr/2011/01/17/politics-fiction-qui-s%e2%80%99occupera-des-deux-ou-trois-belgique-partition-wallonie-bruxelles/#comments Mon, 17 Jan 2011 13:35:21 +0000 LBLT http://owni.fr/?p=37650

Beaucoup s’accordent à dire aujourd’hui que la probable scission de la Belgique serait une catastrophe et un échec de la construction européenne. Certes, après le « non » français et hollandais à la constitution de Lisbonne, la volonté des peuples européens de poursuivre l’aventure de leurs gouvernants, vieille de près de 60 ans, était fortement remise en cause. Le colosse aux pieds d’argile a vibré mais reste bien ancré et s’est consolidé fin 2009 avec un nouveau traité donnant plus de droit au Parlement et instituant un Président de l’UE. Aujourd’hui, de nouveaux éléments menacent le devenir de la construction européenne.

A l’heure de la globalisation et de cette « super Union » qui lie les pays dans un marché commun à grande échelle, nous prenons peu à peu conscience que les régionalismes s’exacerbent au niveau local, menaçant le postulat de base de la construction européenne : faire la paix en Europe et compter sur le fait que l’on est plus fort ensemble. Le cas belge en est la parfaite illustration : deux peuples se déchirent et ne semblent avoir aujourd’hui en commun que leur Roi.

La scission d’un Etat membre, une hypothèse absente des traités

Le Belgique se trouve aujourd’hui dans une situation paradoxale. Pays fondateur des Communautés européennes, venant tout juste de conclure la présidence tournante de l’Union, il perturbe la construction européenne par les menaces de scission des Flamands et Wallons. Il est d’ailleurs particulièrement symbolique qu’une éventuelle scission d’un pays européen se déroule justement dans celui où se trouvent les institutions européennes, symboles de paix et de construction d’un avenir commun.

Il y a quelque chose de paradoxal : d’un côté on veut construire la paix en unissant les peuples via des institutions communes donnant des droits nouveaux aux citoyens européens. De l’autre, à l’échelle locale, on s’aperçoit que les nationalismes s’exacerbent, et que l’on ne souhaite plus partager un héritage avec son voisin pour des raisons linguistiques, culturelles et/ou économiques. La solidarité européenne ne vaut peut-être plus à l’échelle locale.

Alors que les Allemands se sont réunifiés il y a 20 ans, les Flamands souhaitent aujourd’hui se séparer des Wallons.
Deux nouveaux pays provenant de la scission d’un autre seraient-ils automatiquement intégrés à l’Union Européenne ou bien faut-il revoter leur adhésion via un accord de l’ensemble des autres partenaires Européen ? Que disent les traités européens sur le sujet ? Question complexe que les traités ne prennent pas en compte.

Aussi, en cas de scission, que deviendrait l’héritage de la Belgique ? Comment flamands et wallons se partageraient-ils le patrimoine commun…et les dettes ?

Ce genre de problèmes juridiques est normalement géré via la Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités, rapport « onusien » de 1978 et entré en vigueur en 1996. Ce document règle la succession des Etats. Or, la Belgique n’a pas signé ce traité. L’héritage de la séparation risquerait d’être aussi douloureux sinon plus que la séparation elle-même. En cas de divorce, la situation pourrait s’apparenter à un couple qui n’arrive pas à se séparer dans un premier temps, puis, lorsqu’il se décide enfin à officialiser cette séparation, continue de se déchirer pour régler la séparation des biens. Il serait donc urgent d’y réfléchir au plus vite afin d’éviter une situation politique et juridique complexe et inédite.

La Wallonie française : bon deal diplomatique pour Paris mais gros poids économique
Certains disent déjà que la Wallonie demanderait son rattachement à la France. Il est bien difficile de prédire la réaction d’une Wallonie indépendante comme d’un gouvernement français futur sur le sujet. Toutefois, en termes d’intérêts stratégiques et politiques, quelques données peuvent être introduites. Au premier abord, il pourrait être intéressant pour un pays comme la France de voir sa sphère d’influence politique, géographique et économique s’agrandir face à l’Allemagne disposant de 20 millions d’habitants supplémentaires.

Cela signifierait aussi une influence plus grande au sein des institutions européennes via un nombre de députés et diplomates plus important notamment. Toutefois, en termes économiques, le bas blesse. La Wallonie est connue pour son manque d’industrialisation, son chômage (15,4 % en aout 2010 alors que la Flandre est proche de 7 %) et son endettement (entre 4 et 11 milliards d’euros selon les chiffres, la Flandre ayant presque épuré la sienne). Quel gouvernement français aurait intérêt à rajouter un poids supplémentaire aux déficits déjà abyssaux alors que la crise économique hypothèque l’avenir de toute une population ?

De plus, revendiquer la Wallonie éveillerait probablement l’opposition de l’Allemagne dont ce n’est pas l’intérêt premier. La France deviendrait en effet plus influente.

Bruxelles, région capitale des convoitises

La région de Bruxelles, territoire principalement francophone immergée en Flandre, fait l’objet d’appétit commun des flamands et wallons (francophones), et pour cause. Avec 19 communes et environ 1 millions d’habitants (soit 10 % de la population), la ville de Bruxelles, capitale de la Flandre, reste un symbole en raison de son dynamisme économique – il s’agit de la 3ème région la plus riche d’Europe – et de sa connotation internationale très forte.

En effet, plus de 120 grandes institutions internationales y ont leur siège : l’OTAN avec 4.000 personnes, Eurocontrol (2.000 personnes), l’Organisation de l’Unité Africaine, l’Organisation Mondiale des Douanes, l’Assemblée des Régions d’Europe), la Fondation Européenne pour le Management par la Qualité, etc. ou une représentation : l’ONU, avec l’UNESCO, l’UNHCR, l’UNICEF, le PNUD ; l’OMS, le BIT, la Banque Mondiale, la Conseil de l’Europe, l’Organisation Internationale pour les Migrations.

Ce sont au final environ 120 organisations internationales gouvernementales, 1.400 organisations internationales non gouvernementales, 186 ambassades et de nombreuses délégations et représentations diplomatiques au sein d’autres institutions comptant près de 5.000 diplomates et faisant de Bruxelles-Capitale la première place diplomatique au monde. Près de 30% des habitants sont étrangers, et 47% d’origine étrangère. Parmi ces derniers, 55% sont européens (170.000 personnes dont près de 50.000 français qui constituent le groupe le plus important).

C’est également la ville au monde où les lobbies industriels seraient les plus présents après Washington : entre 15.000 et 20.000 personnes dont 5.000 au Parlement Européen. Près de 70% d’entre eux servent les intérêts des entreprises, 20% ceux des régions, villes et institutions internationales et 10% ceux des ONG déversant chaque année près de 750 milliards d’euros dans le monde.

La rue de la Loi, à Bruxelles : à gauche, le siège du Conseil européen, et à droite, le siège de la Commission européenne.

Bruxelles est aussi une place financière importante puisqu’elle est quatrième au niveau européen où près de 16.000 colloques d’affaires se tiennent chaque année, classant la ville à la 3ème place mondiale. Enfin, c’est le siège de la Commission européenne et du Conseil de l’Union. Le Parlement européen où siègent les représentants de tous les peuples européens s’y réunit trois semaines sur quatre. Au total à Bruxelles, près de 30% de l’espace de bureaux disponibles est occupé par des acteurs européens, dont la moitié par les institutions européennes et les organes consultatifs associés.
La présence des institutions européennes engendre près de 13% du PNB et des emplois directs et indirects de Bruxelles-capitale avec près de 30.000 fonctionnaires de la Commission, 3.000 fonctionnaires de Parlement auxquels s’ajoutent 3.000 assistants parlementaires embauchés par 785 députés, 3.500 personnes pour le Conseil de l’Union Européenne et près de 1.500 pour le Comité des Régions et le Comité Economique et Social Européen. Soit au total plus de 40.000 emplois directs. Aussi, jusqu’à 2.000 journalistes sont accrédités au sein des institutions.

Au vu de ce contexte économique, institutionnel et international aux enjeux stratégiques très importants, il est clair que Bruxelles et sa région demeurent un problème supplémentaire et de taille en vue de la séparation car elle cristallise les divergences des Flamands et Wallons.

Le Roi et le peuple, les deux grands perdants

Dans le cas d’une scission, que deviendrait le Roi, peut-être un des derniers dénominateurs communs des Wallons et Flamands ? Celui qui porte par le bout des doigts la stabilité de la Belgique depuis de nombreux mois pourrait bien être le grand perdant d’une scission belge. Les monarchies sont de véritables vecteurs de stabilité d’un pays et de son peuple car elles représentent le référent vers lequel le peuple peut s’adresser et avoir confiance en dernier recours.

Le Roi est donc vecteur de stabilité et de paix et sur le long terme – même si ses pouvoirs sont d’ordre symbolique, ce que ne possède pas un système Républicain qui connait des changements politiques sans « référent suprême » durable. La scission belge aurait certainement pour conséquence a minimal’affaiblissement du système monarchique tout entier, voir l’éviction totale du Roi des Belges. Sa chute représenterait un message fort à toutes les monarchies de la planète, et il est difficile de présumer des effets qu’aurait un tel événement à court ou long terme. Quoi qu’il en soit, le système monarchique en ressortirait affaibli.

Quoi qu’il arrive, la population serait la première concernée par une scission. Source de craintes et de peurs pour le futur, une scission trop rapide et donc traumatisante pourrait avoir des conséquences terribles pour le peuple et la stabilité régionale et Européenne.

Toutefois, même s’il faut laisser la possibilité aux peuples de décider de leur autodétermination et de construire leur propre histoire, ils ne peuvent ignorer leurs voisins souvent inquiets des risques associés à une telle séparation. En tant que peuple fondateur de l’Union européenne, les Belges doivent aussi être attentifs aux craintes de leurs partenaires européens vis-à-vis de leur stabilité nationale (qu’en diraient les Catalans, Basques, Corses ou autres régionalismes européens et internationaux ?) et également de la construction européenne. Il est de leur responsabilité de rassurer la communauté européenne et internationale en créant, en amont, des conditions de séparation pacifique au cas où la séparation deviendrait réalité.


Billet initialement publié sur Le Taurillon sous le titre Quel rôle pour l’UE en cas de scission de la Belgique ? 1/2.

Pour creuser le sujet, découvrez l’application OWNI.fr La crise belge par les datas : démographie, économie et autres critères selon les schémas de partition (deux Etats, Bruxelles indépendante ou ralliée, etc.).

FlickR CC Fr Leslie Sachs ; Anton Raath ; Kristof van Landshoot ; Bruno Desclee.

]]>
http://owni.fr/2011/01/17/politics-fiction-qui-s%e2%80%99occupera-des-deux-ou-trois-belgique-partition-wallonie-bruxelles/feed/ 1
Gouvernement belge: ||les chiens aboient, la caravane… http://owni.fr/2010/09/09/belgique-gouvernement-les-chiens-aboient-la-caravane%e2%80%a6/ http://owni.fr/2010/09/09/belgique-gouvernement-les-chiens-aboient-la-caravane%e2%80%a6/#comments Thu, 09 Sep 2010 18:06:05 +0000 Charles Bricman http://owni.fr/?p=27592 Article initialement publié le 19 août 2010 sur On a des choses à se dire

La lecture de la presse, ce matin, m’a laissé perplexe, comme souvent.

Pour les francophones (Le Soir et La Libre, je n’ai pas les moyens de les acheter tous !), c’est entendu : ce pauvre monsieur Di Rupo a fort à faire avec cet excité de Bart De Wever, qui veut tout casser, faire disparaître la Belgique, le roi, la reine et le p’tit prince, et puis encore s’en aller avec la caisse. Mais soit : notre bon roi va prendre un peu de temps pour le sermonner, lui et tous les autres zievereirs, après quoi don Elio refera un tour de table et essaiera une dernière fois de convaincre ce zot qui n’en a jamais assez.

En néerlandais (De Standaard), c’est assez différent. C’est très différent. C’est même une tout autre histoire. Sur le coup, elle me parait plus crédible.

Au début de celle-ci, peu de temps après les élections, Elio et Bart se seraient mis d’accord entre eux sur la façon d’y arriver. En gros:  (i) on scinde BHV sans (trop) de chichis, Bart n’a pas de marge de manœuvre là-dessus ; (ii) les Flamands acceptent de refinancer Bruxelles qui en a bien besoin ; (iii) Bart oublie le confédéralisme pur et dur (au moins pour cette législature) et on ne touche pas à la loi de financement des régions et communautés, mais (iv) Elio fait accepter un transfert massif de compétences, ce qui permet d’arriver à un modèle de responsabilisation des entités fédérées, mises en possession de tous les leviers de commande (en ce compris financiers) de ces compétences.

Mais là, c’est l’embardée. Di Rupo n’est pas seul, dans le camp francophone. Ou si l’on préfère, il se retrouve très seul. Isolé. Ecartelé entre les deux camps – c’est la position de base de tout Premier ministre, obligé de se faire accepter par « les autres » sans se faire lâcher par « ses amis » – le préformateur cuisine du cosmétique à la belge.

Les transferts de compétences et de moyens budgétaires sont massifs. 15,8 milliards. Mais les leviers de décision restent entre les mains de la fédération. On ne transfère pas les politiques, seulement les sous qui doivent être dépensés pour exécuter ces politiques. Il n’y a guère d’avancée sur ce qui était l’autre point essentiel pour les Flamands : la « responsabilisation » des entités fédérées.

Les propositions du préformateur sont insuffisantes aux yeux des Flamands. Ils constatent même qu’à ce rythme, on va tuer l’État fédéral, à qui il ne restera plus qu’une trentaine de milliards pour couvrir les dépenses qui restent à sa charge. Dont 13 déjà pour le seul service de la dette. Dont les pensions qui, en raison du vieillissement de la population, vont inévitablement augmenter dans les années qui viennent.

[NDLR] “A qui profite le budget fédéral?”

“Le niveau fédéral conserve une importance pour l’armée et la justice, mais aussi pour les pensions et la sécurité sociale. Dans ces deux domaines, la Wallonie pèse lourdement sur le budget du royaume. Les pensionnés du secteur public sont plus nombreux (en proportion de la population) en Wallonie, malgré des ressources fiscales par habitant 11% inférieures!

Les dépenses de santé risquent également de plomber un possible budget wallon, puisque les indicateurs sont systématiquement verts au nord et rouges au sud. En proportion, les Wallons comptent 30% d’obèses et 40% de fumeurs en plus, et ils sont 2 fois plus nombreux à ne pas pouvoir se rendre chez le médecin faute d’argent.”

Ce n’est pas le nombre et l’importance des matières transférées qui leur paraît insuffisant. C’est leur manque de consistance qui, en sus, conduit à un désastre budgétaire.

De Wever dit alors que dans ces conditions, il va falloir revoir en profondeur la loi de financement. La « grande porte » pour parvenir à la responsabilisation des entités fédérées, d’ailleurs jugée nécessaire par les économistes du Sud comme du Nord. Le CD&V et Groen! sont d’accord. Et même le SP.A. Et là, Di Rupo se fâche. Tout rouge. De Wever a un malaise – et c’est Joëlle Milquet qui l’aide à retourner à sa voiture, il faut lire ça dans le Standaard, pour l’anecdote.

Di Rupo et De Wever se revoient. On saura sans doute ce qu’ils se sont dit dans quelques jours, semaines ou mois, quand la poussière sera retombée et la prescription acquise. Le préformateur va chez le roi. Qui siffle un temps mort de 48 heures, le temps de faire passer les Sept au confessionnal.

Et puis Di Rupo reprendra ses efforts. Rasséréné ? Reposé ? Convaincu ? Le communiqué du Palais annonce que le préformateur poursuivra sa mission dès samedi. Le roi le charge d’approfondir, à la fois (i) l’autonomie et la responsabilisation des entités fédérées pour leurs nouvelles attributions (voir la mise à jour ci-dessous) et (ii) le financement dans la durée de l’État fédéral.

Les chiens aboient. La caravane passe. Il faut qu’elle passe, admettent-ils tous. Cette caravane, c’est comme un vélo : si elle s’arrête, tout le monde se casse la gueule.

Le reste ? Les couleurs pour le moins contrastées des récits et analyses des uns et des autres ? C’est de la com’. Celle des partis.

[Màj 19 Août 18:40] J’ai rajouté après coup le passage en italique gras qui précise, et ce n’est probablement pas innocent, que la responsabilisation des entités fédérées doit être approfondie pour leurs nouvelles attributions. C’est l’analyse d’Ivan De Vadder (VRT) qui m’y a fait penser et elle me paraît pertinente : le roi renvoie ainsi les deux camps dos à dos. Aux Flamands, et principalement à la N-VA, il concède que le paquet peut être jugé « insuffisant » sur le plan de la responsabilisation des entités fédérées, mais il ajoute aussitôt, pour rassurer les francophones, que ce n’est pas une raison pour remettre en cause toute la loi de financement de 1988.

Le roi se rallie ainsi à la formule « plombiers », c’est-à-dire à une couche supplémentaire de réformes, au lieu d’une « reconstruction » du système. Je ne le lui reproche évidemment pas car il n’y est pour rien: le communiqué du Palais n’est que signé par Albert II, il est écrit par d’autres. Di Rupo certainement – c’est la lecture de De Vadder qui y voit un ultimatum de sa part -, et peut-être De Wever. L’enjeu pouvant être alors de forcer l’appareil de la N-VA – où il y a de plus fondamentalistes que De Wever – à prendre position. Tout cela fait beaucoup de grain à moudre pour ceux qui se pencheront sur l’histoire de cette négociation historique. Il n’en reste pas moins que ce qui va sortir de ce psychodrame, si quelque chose en sort, ce sera vraisemblablement – et une fois de plus – un chameau avec une tête d’éléphant et une queue de cheval, selon la jolie formule que j’ai lue quelque part ce matin…

]]>
http://owni.fr/2010/09/09/belgique-gouvernement-les-chiens-aboient-la-caravane%e2%80%a6/feed/ 5
La crise belge par les data http://owni.fr/2010/09/09/la-crise-belge-par-les-data/ http://owni.fr/2010/09/09/la-crise-belge-par-les-data/#comments Thu, 09 Sep 2010 18:05:35 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=27127 « Préparons-nous à la fin de la Belgique ! » C’est en substance ce qu’on déclaré les leaders francophones ces derniers jours, un refrain que les Flamands entonnent depuis déjà quelques décennies. Faut-il couper la Belgique parce que ces entités constituent des nations différentes, ou bien faut-il se préparer à construire de toutes pièces de nouvelles identités pour remplacer la belge ?

Laissons parler les données. Nous avons mis en place une application permettant de comparer les chiffres relatifs aux trois régions belges (Flandre, Wallonie et Bruxelles-capitale) sur certains thèmes.

Sur certains aspects, on constate de fortes disparités. L’impôt fédéral payé par habitant, par exemple, est 25% supérieur en Flandres par rapport à la Wallonie. Résultat, la solidarité nationale peut apparaître à sens unique, les Flamands payant 1,2 milliards d’euros transférés sous forme de ‘rééquilibrage’ aux francophones.

Et pourquoi les Wallons payent-ils moins d’impôts ? Parce qu’ils travaillent moins! Le taux d’activité (ceux au travail + ceux cherchant un emploi) est de près de 10 points supérieur en Flandre. On comprend mieux ainsi ce sur quoi repose le ressentiment des Flamands.

Pas la peine de stigmatiser les Flamands en les traitant de « populistes égoïstes » pour autant, comme on peut le lire dans les colonnes du Monde. Leurs revendications font échos à des problèmes réels, pour lesquels ils considèrent que les solutions proposées ne suffisent pas. On ne peut pas en dire autant de la frénésie anti-gitans qui sévit en France, où des politiques, soutenus par une bonne partie de la population, s’en prennent à un groupe pour des motifs totalement farfelus et dénués de réalité statistique (« ils ont des trop grosses voitures ! »)

Les Belges ne se marient pas non plus entre eux. Moins de 0,5% des mariages belges concernent des relations entre résidents flamands et wallons. (Cette statistique a été compilée en fonction des lieux de résidence, pas de naissance, si bien qu’un Flamand vivant en Wallonie puis s’y mariant à une Wallonne n’est pas comptabilisé). Cela reste environ 6 fois moins que le nombre de mariages conclus entre un Belge et un étranger ! Pour donner un élément de comparaison, cela correspond plutôt au taux de mariages entre Français et Britanniques (source INSEE).

In Potjevleesch we trust

Malgré ces écarts flagrants, les Belges restent soudés autour de valeurs… belges. Loin d’être anodins, les habitudes de consommation sont étrangement similaires. Si vous regardez l’onglet “consommation” de l’appli, vous verrez que les différences entre Flandre et Wallonie ne divergent jamais de plus de 10%.

Si l’on s’intéresse à la charcuterie, par exemple, on constate que l’on dépense sans compter des deux côtés de la frontière linguistique : 475€ en Flandre et 468€ en Wallonie par an et par ménage. Bruxelles, avec tous ses étrangers eurocrates qui ne comprennent rien au filet américain, au filet d’Anvers ou aux pâtés queue de charrue, ne dépense qu’un maigre 300€, tout comme les Français (357€ selon l’INSEE [XLS]).

Et Bruxelles ?

En plus d’être la plus importante des capitales de l’Union Européenne, Bruxelles est à la fois la capitale de la région flamande et la principale ville francophone. Véritable nœud gordien des relations entre communautés linguistiques, la ville semble être au cœur des revendications des uns et des supplications des autres.

L’application permet de choisir où vous souhaitez voir Bruxelles : indépendante, wallonne ou flamande. On constate qu’en dehors du tourisme, où Bruxelles et la Flandre concentrent la majeure partie des nuitées, et du nombre d’étrangers, faire varier l’appartenance de la ville vers l’une ou l’autre région n’influence que peu les équilibres.

On pourrait penser que cet état de fait tient à la relative pauvreté de la ville. Son centre, loin d’exulter de richesses comme à Trafalgar Square ou à la Concorde, fait plutôt penser à une ville post-socialiste ayant raté sa reconversion. Comparée à Anvers, principale ville de Flandre, Bruxelles n’attire pas l’oeil. Plus pauvre relativement au nombre d’habitants, c’est à se demander pourquoi son statut importe tant aux deux camps.

La raison tient au découpage anachronique des frontières administratives. Tout comme il est inconcevable de limiter Paris à ce qu’on trouve à l’intérieur du périphérique, la région Bruxelles-Capitale souffre d’atrophie sur ses 160 km² (à peine 50% de plus que Paris intra-muros). Prise dans son ensemble, la métropole bruxelloise retrouve l’étoffe d’une ville d’importance mondiale, produisant le quart de la richesse belge.

Le problème de la ville tient à son corset flamand : l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), situé en Flandre, accueille l’expansion territoriale de la capitale et concentre en particulier ses plus gros contribuables qui, à la manière d’une ville américaine, délaissent le centre. Bruxelles se trouve ainsi à cheval entre la Flandre et la région Bruxelles-Capitale, ce qui ne facilite pas la division du pays et explique pourquoi la scission de BHV monopolise depuis plus de 3 ans la vie politique du pays.

Notre dossier, qui accompagne cette application, est constitué de trois articles de blogueurs belges qui nous plongent dans l’actualité de leur pays. Qui n’en est plus un ?

]]>
http://owni.fr/2010/09/09/la-crise-belge-par-les-data/feed/ 15
Belgique: et si c’était le compromis qui était le chaos ? http://owni.fr/2010/09/09/belgique-et-si-cetait-le-compromis-qui-etait-le-chaos/ http://owni.fr/2010/09/09/belgique-et-si-cetait-le-compromis-qui-etait-le-chaos/#comments Thu, 09 Sep 2010 17:58:34 +0000 Michel Henrion http://owni.fr/?p=27582 Titre original :

L’allergie à Bart De Wever secoue l’opinion francophone: et si c’était le compromis qui était le chaos ?

Symptôme: dimanche 5 septembre 2010, avant les élections, des journaux francophones jugeaient encore bon pour leurs ventes de distribuer d’antiséparatistes autocollants tricolores. Aujourd’hui, presque trois mois après les élections, le principal groupe de presse wallon lance une opération ”Osons!”, estimant que les francophones ne “ doivent pas avoir peur de prendre leur destin en main“.

C’est que les marketeurs des medias ont parfois plus de “nez” que les politiques qui, je le dis souvent, feraient bien parfois de troquer leurs porte-parole contre des porte-oreille. Plus de flair que l’armada de politologues plus ou moins galonnés qui envahit aujourd’hui l’espace médiatique un peu à l’instar du déluge de spécialistes militaires plus ou moins informés lors des si audiovisuelles Guerres du Golfe. Car quelque chose d’encore flouté mais de tout à fait neuf est en train de s’installer subitement dans l’opinion commune: un curieux cocktail freudien de ras-le-bol, de résignation et de fierté.

Qui tient en une phrase du genre: “ Cela n’en finira donc jamais: si les flamands veulent s’en aller, eh bien qu’ils partent, ce sera plus clair et on se débrouillera bien sans eux, peut-être même finalement mieux …

On ne parle évidemment pas ici du discours récurrent des militants du Rassemblement Wallonie-France, ni de l’avis des hurluberlus qui squattent les forums des journaux, ni même des soudains et donc révélateurs virages sur l’aile de certains billetistes francophones…

Non, je parle ici vraiment de l’homme de la rue, celui qui n’en a généralement rien à cirer de toute cette politique, celui qui se dit généralement bon belge, même si c’est sans grand projet…
Celui que j’entends, à qui je prête attention, à tous les petits tournants de la vie quotidienne.

[NDLR] Qui sont les plus belges?

“Google, qui dispose d’une part de marché de 96% en Belgique, connait nos envies. Qui a le plus envie de Belgique? Qui recherche le plus souvent ce mot-clé? Le résultat est sans appel, puisque les Wallons le recherchent 2 fois plus souvent que les Flamands.

Pourtant, ces derniers semblent s’intéresser considérablement plus à l’équipe de foot nationale, les ‘Rode Duivels’ étant particulièrement googlés au Nord. Enfin, les recherches sur le mot-clé ‘fédéral’ (‘federaal’ en néerlandais) sont aussi fréquentes dans les deux communautés. Lorsqu’il s’agit de consulter les institutions nationales, le côté pratique semble primer.”

Car trop, c’est gros. Un sentiment fait d’un peu de tout: de bribes d’infos glanées ici et là, d’une impression diffuse de lâcher-tout aux flamands, d’émotions que- c’est-y-pas-possible-ce-qu’ils-veulent-encore, de sympathie pour l’informateur-dramatisateur-qui-a-fait-son-possible, de ce Reynders il nous trahit encore mais ce Maingain on lui donnerait bien raison question fierté, de détestation pour Bart si vulgaire-qui-zavez-entendu-parle-maintenant-de-son-cul…

Le compromis ou le chaos ?

Le compromis ou le chaos” avait lancé l’autre jour Elio Di Rupo (président du PS belge). Eh bien, il semble que de plus en plus francophones pensent, a contrario, que c’est le compromis qui est peut-être le chaos. D’abord parce que tout laisse augurer un brol (bordel) tordu et peu viable, avec de nouvelles superpositions de pouvoir.

Et de nouvelles taxes et autres impôts de crise. Ensuite parce que la N-Va, à peine l’encre de l’accord sera-t-elle séchée, préparera évidemment sa future nouvelle offensive.

Donc quand un Jean-Claude Marcourt régionaliste radical, un Philippe Moureaux devenu surréalistement presque rattachiste, un Charles Picqué, un Rudy Demotte très wallon, une Laurette Onkelinx très francophone reprennent et martèlent en chœur, sans doute un peu trop fort sur le clou, le thème “ préparons-nous à une éventuelle fin de la Belgique”, ce discours inédit- du moins sous le PS de Di Rupo- passe presque comme une lettre à la poste…

Une lettre d’évidence préparée, ce qui explique aussi toute l’attention prêtée à la viabilité financière de Bruxelles par la future Ministre-Présidente bruxelloise Laurette Onkelinx. Une sorte d’agenda caché, qui explique mieux les positions  des négociateurs du PS, surtout pour ce qui est de la loi de financement, histoire de ne jamais affaiblir l’hypothèse d’un projet Wallonie-Bruxelles.

Menacer un parti séparatiste de séparatisme ?

D’aucuns se sont naïvement interrogés : drôle de stratégie que de menacer un parti séparatiste de séparatisme…

Le coup, de fait un brin mis en scène, de fait à ne pas encore prendre au pied de la lettre, est pourtant habile, redonnant l’ascendant psychologique au PS: discuter oui, mais plus à vos seules conditions. Et c’est bien davantage qu’un simple effet de manche. Car il correspond au pessimisme grave qui règne au PS, pas loin de croire, en interne, que tout accord final sera impossible, sinon impensable. D’où, bien plus sérieusement qu’on ne le pense, la décision d’agiter un projet alternatif francophone qui remplit enfin un vide politique, le temps qui passe n’étant neutre ni pour Bruxelles ni pour la Wallonie. De plus, il n’est qu’une manière de négocier avec le nationalisme: le rapport de forces. Bart De Wever se montrait d’ailleurs, hier, quelque peu dérouté, mis sous pression qu’il est par le Belang (qui s’étonne que la N-VA ne prenne pas illico le PS au mot) et ses électeurs non-jusqu’auboutistes du 13 juin.

Ainsi et surtout, le PS a deux fers au feu:

  • Bart De Wever a, mine de rien, obtenu samedi ce qu’il voulait: négocier à deux, N-VA et PS only, derrière les deux médiateurs de paille. Dont la désignation ne change rien: depuis la rupture, l’opinion du Nord est en fait encore bien plus exacerbée, persuadée que les francophones enfument l’avenir de la Flandre…A supposer que les négociations atterrissent par miracle et aboutissent un jour lointain à des accords (dont l’exécution parlementaire apparaît déjà comme un cauchemar permanent), les plus délicates des concessions francophones  se camoufleront, dans ce climax, sous l’image grandiose du sauvetage de la Belgique plus ou moins copernisée.
  • Si le bazar échoue, le PS n’aura rien raté : Elio Di Rupo, par son acharnement, aura démontré que la mission fédérale est tout simplement devenue irréalisable. (ce n’est d’ailleurs pas loin de ce qu’on pense très réellement au Bd de l’Empereur (NDLR : adresse du PS à Bruxelles) après avoir découvert le caractère obstiné, roué de Bart De Wever) Et c’est une toute autre négociation qui s’ouvrira alors, assez naturellement d’ailleurs pour les wallons. (on le redit: l’autonomie politique, c’est précisément ce dont le Mouvement Wallon a si longtemps rêvé)

Bart De Wever, l’homme à la main de fer dans un flamin(gant) de velours, rêve d’entrer dans l’histoire comme le “grand patriote” de l’identité de la Flandre. Elio Di Rupo, le belgicaniste, rêve d’entrer au 16 rue de la Loi, Premier Ministre sauveteur d’un État Fédéral relooké. Mais, par un bien curieux retournement, l’engrenage implacable des événements pourrait peut-être le conduire à entrer a contrario dans l’histoire. En ouvrant un chemin aux francophones dans le brouillard de l’évaporation du pays …

Article initialement paru le 6 septembre sur Demain, on rase gratis

]]>
http://owni.fr/2010/09/09/belgique-et-si-cetait-le-compromis-qui-etait-le-chaos/feed/ 2