#ijf10: Langues, la dernière frontière
Dans un monde globalisé, la question des langues est essentielle. Au Festival International de Journalisme de Pérouse, cette question était au cœur du débat "Créer un pont entre les cultures et langues sur Internet".
Pourquoi les grands médias ne font-ils pas attention à la traduction? Pourquoi ne cherchent-il pas à traduire leurs contenus pour gagner plus d’argent? Aujourd’hui, le même site peut être lu à Barcelone ou en Californie.
La question de Marc Herman, de Translation Exchange Project, devait rester sans réponse, au cours du débat “combler le fossé entre les différentes cultures et langages”. Question de coût, certainement, lorsqu’il faut payer des traducteurs professionnels, mais aussi sans doute une question de culture pour les mainstream medias, et les journalistes qui y travaillent.
Pourtant, des solutions alternatives se mettent en place.
“La traduction est au cœur de Global Voices“, raconte Portnoy Zheng, un Taïwanais qui traduit de l’anglais vers le chinois, pour ce réseau. À l’opposé de Google, qui développe à marches forcées son système de traduction automatisée, sur Global Voices, la traduction demeure affaire humaine.
L’une des raisons? La diversité des langues.
“Si vous traduisez un texte du français à l’anglais de manière automatique, explique P. Zheng, vous obtiendrez un résultat acceptable, mais si vous le faites du chinois au bengali —ou l’inverse—, ce sera épouvantable.” Problème lorsque l’on sait que le Chinois est l’une des principale langue véhiculaire du monde, ainsi que le bengali, considéré comme la 4e langue parlée.
L’avenir appartient sans doute à la “traduction sociale”
La traduction humaine est donc plus efficace, mais si l’on a recours à des professionnels, elle est hors de prix. L’alternative se trouve donc raconte David Sasaki, de Rising Voices (une extension de Global Voices) dans la traduction sociale [social translation]. Rien de particulièrement récent, puisqu’elle “existait avant Internet, avec la scanlation”. Ce terme a été forgé lorsque des amateurs de mangas japonaises ont scanné leurs BD favorites, en ont traduit les textes, avant de les diffuser le plus souvent gratuitement.
Ce sytème de traduction “amateur” fleurit, en particulier en Chine. Il existe des sites comme zona europa, où la traduction se fait de l’anglais au chinois et réciproquement, ou encore yeeyan.org, qui publie des articles provenant des sites de presse étrangers, et dont la traduction est le fait de volontaires.
Un système qui frise l’illégalité, en particulier vis-à-vis des ayants-droits de copyright et des droits d’auteur. Mais un système qui peut être récupéré par les grands groupes. Ce fut le cas avec TED, le site de high tech américain, qu’un groupe de jeunes Chinois avaient décidé de traduire de manière sauvage. Après avoir protesté, les responsables du site américain ont décidé de rencontrer ces traducteurs improvisés, pour finalement autoriser le projet.
Il existe d’autres modes mixtes, panachant la traduction automatique et la relecture humaine comme meedan, qui traduit de l’anglais à l’arabe et inversement. Ce type de système peut aussi servir à soutenir des langues qui n’ont pas de présence sur le web comme l’aymara, une langue utilisée par les indiens en Bolivie notamment. Comme le souligne David Sassiki:
La question est très importante dans ce pays car cette langue n’est pas enseignée dans les écoles. L’objet de jaqui aru, est donc de proposer les informations traduites de l’espagnol, dans cette langue locale. Il est très important que ce type d’initiatives existent, sinon seules quelques langues domineraient Internet.
L’anglais est la langue “pont” entre toutes les autres langues
Une langue reste incontournable sur le web, l’anglais. “C’est le pont [bridge]“, résume Bernardo Parella, du Global Voices italien. Les traductions se font en général dans cette langue avant d’être traduite dans une autre et vice et versa.
Mais c’est une langue difficile, peu pratique, “bizarre” même indique Marc Herman. C’est pourtant sur ce pont branlant que passe la majeure partie des traductions, ce qui pose la question de la qualité, d’autant que, dans un système amateur, le recrutement des traducteurs se fait sur la base du volontariat, selon des parcours souvent atypiques.
Par exemple, raconte Portnoy Zheng, “j’ai d’abord été un lecteur de Global Voices, avant de traduire, parce que je n’étais pas satisfait de la presse de mon pays, et en particulier de la manière souvent anecdotique dont on y traitait l’information internationale”.
Il commencera donc à traduire quelques articles de l’anglais vers le chinois, avant de s’inscrire plus complètement dans le projet Global Voices. En fait, explique-t-il, nous avons mis en plateforme wiki pour la traduction en chinois, qui fonctionne de la façon suivante : il y a d’abord une traduction originelle du texte en chinois, qui est relue ensuite par un autre traducteur, avant d’être publiée.
Pour l’instant, l’essentiel des traductions porte sur le texte, et la vidéo est peu traduite, voire simplement soustitrée. Par exemple, remarque Marc Herman:
lorsque j’ai vu la vidéo qui montre des militaires américains tirer à partir d’un hélicoptère sur un petit groupe de personnes en Irak, dont deux correspondants de Reuters, je pensais qu’elle serait traduite le lendemain dans 100 langues. Or, ce ne fut pas le cas.
Pour résoudre ce problème des réseaux de traduction devraient aussi se mettre en place. En Italie, existe déjà une importante communauté qui sous-titre en italien les séries américaines. “Le même système pourrait être transposé pour l’information”, indique Nicola Bruno de Totem, un agence d’information.
Article rédigé à partir de la conférence “Créer un pont online entre les différentes cultures et langues” (“Bridging the gap between different cultures et languages online”) avec la participation de
Nicola Brun, Totem
Marc Herman, Translation Exchange Project
Bernardo Parrella, editor Global Voices Italy
David Sasaki, Rising Voices
Portnoy Zheng, co-director Project Lingua
> Marc Mentré tient le blog The Media Trend
> Illustration CC par magdalar sur Flickr
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