11 sept. chaud les marronniers

Le 13 septembre 2011

Ces derniers jours, les commémorations du 11 septembre ont asphyxié les médias. Sur le web, certains ont été nuls, quelques-uns ingénieux, beaucoup ennuyeux. Les data-journalistes d'OWNI jouent les langues de vipère.

En 10 ans, l’anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 est devenu le plus gros des marronniers dans la plupart des rédactions. Difficile de faire l’impasse sur le sujet, le web n’a pas failli à la règle et certains médias, que l’on a connus plus inventifs, s’y sont cassé les dents.

C’est le cas de l’agence Reuters, par exemple, qui sort une série d’infographies pompeusement appelées “interactives” – on y cherche toujours les interactions – ou encore du Guardian, qui produit une cartographie, assortie d’une frise chronologique, pour marquer les périodes de “succès” puis de décadence d’Al Qaïda, dans une forme assez pauvre.

Alors qu’applications et dossiers spéciaux envahissaient les sites médias comme une armée de clones, nous avons scruté les flux à la recherche des perles proposant une vraie mise en scène novatrice de l’info. Et quelques unes sont apparues, cachées dans la forêt.

L’occasion d’innover

Une des applications les plus inventives est celle réalisée par USA Today intitulée “9/11 + ME“. Utilisant le graphe social de Facebook pour personnaliser le contenu proposé aux utilisateurs, elle présage de nombreuses futures utilisations. En effet, elle se compose en deux parties : la partie “key events” qui recense les différents “évènements clés” survenus depuis le 11 septembre 2001, répartis en différentes catégories (terrorisme, patriotisme, politique, sport, arts…) et la partie “+ ME”. Cette partie, qui nécessite une connexion via son compte Facebook, fait évoluer son contenu (victimes, lieux mémoriels, dépenses de sécurité,…) en fonction de l’âge et de l’origine géographique de l’utilisateur.

Autre application étonnante, celle du New York Times qui recense les enregistrements audios réalisés par l’administration aérienne fédérale (F.A.A.), le commandement de l’espace de défense aérospatial nord américain et par la compagnie American Airlines au matin du 11 septembre 2001, de 8h13 à 10h32. Les enregistrements, positionnés sur une frise chronologique et accompagnés de leur transcription, permettent de revivre différemment, de l’intérieur et en audio, les attentats.

Dans cette même idée de bande-son, MercuryNews a publié la transcription de la boîte vocale d’un passager du vol 93 puis réalisé une infographie sur la base de ces transcriptions.

Infographie réalisée à partir de la transcription (MercuryNews)

Le New York Times a également évalué le coût du 11 septembre : impact économique, coûts pour la sécurité intérieure, dépenses de guerre et y compris frais engendrés par les futurs vétérans ; par le biais d’une infographie simple et fonctionnelle.

Time Magazine, fidèle à son travail graphique de haute volée a de son côté produit l’application “Portraits of Resilience“. 40 portraits de femmes et d’hommes  – familles de victimes, pompiers, artistes, militaires (dont le Général Petraeus) et politiques (dont Georges W Bush) – présentés dans une mise en scène simple, classieuse et très efficace en HTML5.

La BBC proposait quant à elle une intéressante balade interactive dans Ground Zero.

Le plus grand micro-trottoir “ever”

Reste que, derrière ces belles réalisations, le gros des troupes éditoriales a creusé un seul et même sillon : celui de l’uniformité. La prolifération de dispositifs d’appels à témoignages, où les internautes pouvaient raconter leur 11 septembre, partager leurs souvenirs, expliquer où ils se trouvaient et ce qu’ils faisaient est affligeante de banalité.

Que ce type de dispositif soit le premier à venir en tête dans une large majorité des rédactions, n’est pas surprenant. En 10 ans, au souvenir des attentats du World Trade Center, s’est attaché le postulat que “tout le monde se rappelle ce qu’il faisait ce jour-là”. À tel point que “rater le 11 septembre” est devenu suffisamment exceptionnel pour que Slate y consacre un article.

Mais qu’un si grand nombre de médias n’aille pas chercher plus loin que cette première idée toute simple l’est davantage : nous avons dénombré pas loin d’une trentaine d’applications sur le modèle du “Racontez-nous / Racontez-vous”, et la liste est loin d’être exhaustive.

Les quotidiens nationaux (Libération, Le Monde, L’Humanité, Le Figaro) aussi bien que les grands groupes de médias (TV5 Monde, France 24, Arte, Radio France, Canal+, les Echos) ou les quotidiens de presse régionale (Midi Libre, Maine Libre, la Nouvelle République, Sud Ouest, Ouest France,…) et même Psychologies magazine s’y sont mis, avec plus ou moins de créativité et d’interactivité.

Voici quelques exemples :

Web série d'Arte

Appel à témoignages du Figaro

Application Facebook de France24


Site Internet du Télégramme

Même tendance hors de l’hexagone : le New York Times, en partenariat avec Youtube ; le Guardian, El Mundo, ou encore National Geographic ont voulu connaître les souvenirs de leur audience.

Application de C New York

Web application d'El Mundo

Application Facebook de National Geographic

Application NY Times et YouTube

Nos souvenirs étaient drôlement courtisés, en ce 11 septembre 2011.

L’innovation suprême aurait peut-être été de créer un seul lieu pour recueillir tous ces souvenirs multilingues, hors des chapelles médiatiques. La vraie question qui pointe derrière est : que nous raconte cette étrange évidence qui a poussé tant de médias à ouvrir un espace pour que chacun raconte “son 11 septembre” ? Comme une catharsis virtuelle, un besoin de restituer et d’être entendu. Comme si chaque témoignage cherchait à affirmer “c’est aussi inscrit dans mon histoire personnelle, dans mes peurs, mes espoirs, dans ce que je suis devenu”.

À ce titre, la carte “Where were you on Sept 11, 2001 ?” réalisée par le New York Times est édifiante, notamment comparée au listing des titres de la presse américaine des 11 et 12 septembre 2001 réuni par Christian Annyas. Alors que, quelques heures après les attentats, “Terror”, “War” ou “Evil” faisaient les gros titres, les contributeurs du NYT, 10 ans plus tard, nous racontent autre chose. L’application permet aux internautes d’associer leur ressenti actuel à leur témoignages : colère, peur, aucun changement (ndlr : depuis 09/11), sécurisé, espoir. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer a priori, les points bleus de “hope” (espoir) sont plus nombreux sur la carte que les rouges de “angry” (colère). Même si les points oranges “fearful” (crainte) sont bien présents, c’est une visualisation étonnamment positive qui ressort de cet exercice.

Maintenant que cette masse de témoignages est là, peut-être faudrait-il la traiter pour voir quelle(s) histoire(s) elle raconte. C’est là qu’est l’intérêt de toute initiative de crowdsourcing, non ?

Sur le 11 septembre, retrouvez également l’application interactive d’OWNI sur la multiplication des lois dites antiterroristes.

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