Influence Networks: mode d’emploi

Le 11 avril 2011

OWNI présente Influence Networks, un répertoire ouvert et sémantique des relations entre personnalités, institutions et entreprises. Chaque élément est noté selon sa crédibilité, si bien que le bruit reste distinct du signal.

En octobre 2010, lors du Personal Democracy Forum de Barcelone, plusieurs journalistes d’investigation ont expliqué comment ils avaient débusqué des affaires de corruption en procédant à l’analyse de réseaux. L’un d’entre eux, Dejan Milovac, a enquêté sur un projet immobilier situé sur la côte du Monténégro. Il a décortiqué les réseaux financiers autour du projet et montré comment des politiciens locaux étaient de mèche avec les promoteurs qui saccagent le littoral. Le résultat se visualise ainsi :

Le schéma pourrait gagner en lisibilité. Par ailleurs, les relations exposées par cette enquête peuvent être utiles à d’autres journalistes travaillant sur des thèmes connexes. En l’état, difficile de réutiliser le travail de Milovac.

L’analyse de réseaux est un thème en vogue chez les médias et les ONG. Channel 4 entretien Who Knows Who, une base de relations entre personnalités britanniques. A Hong Kong, le South China Morning Post a lancé Who Runs HK ?, qui fonctionne de la même manière. Ces interfaces, bien que gérées par des journalistes, restent fermées et incompatibles avec les standards ouverts.

Du côté des geeks, le projet Little Sis est, lui, collaboratif et ouvert, avec son API. Il recense 57 000 personnes et près de 300 000 connexions. Seul problème : l’information présentée n’est pas validée et seul un système d’alerte (flag) permet de lutter contre la désinformation. Compte-tenu de la sensibilité d’un tel projet, les lobbys de tous poils auront tôt fait de manipuler le système.

Comment ça marche ?

Il manquait donc un outil d’analyse de réseaux d’influence à l’usage des journalistes qui soit à la fois ouvert et fiable. Influence Networks cherche à répondre à ce problème. La plateforme permet à quiconque d’insérer une relation dans la base de données (onglet add a relation). L’information insérée reçoit le statut de “rumeur” tant que personne n’a vérifié sa fiabilité.

L’onglet review a relation permet de vérifier la crédibilité des relations ajoutées par les autres utilisateurs. La relation est alors notée sur une échelle allant de rumeur à fait établi. La note reçue par la relation dépend également de l’indice de confiance (trust level) de l’utilisateur qui la vérifie.

Prenons un exemple. Mathias s’inscrit sur la plateforme. Il commence avec un trust level de 1 sur une échelle de 5. Il insère une relation sourcée, qui est ensuite validée comme un fait établi par un utilisateur possédant un trust level de 5. La relation obtient alors le statut de fait établi et le trust level de Mathias augmente de 0.5.

Mathias ajoute ensuite une autre relation sourcée, validée cette fois en tant que “fait établi” ci par Georges, qui a, lui, un trust level de 1. Cette fois-ci, puisque l’on ne sait pas quelle confiance accorder à Georges, la relation obtient un statut légèrement supérieur à celui de rumeur.

Aujourd’hui, alors que le projet vient d’être lancé, la base ne compte encore que peu de relations. Nous ajouterons dans les mois qui viennent une fonctionnalité d’ajout de relations en masse (une feuille de présence à un meeting, par exemple). Par ailleurs, les entités (personnes et organisations) que l’on peut mettre en relation sont celles offertes par freebase, une sorte de Wikipédia structuré dans un format compréhensible par l’ordinateur. Dès lors, si l’entité recherchée n’est pas disponible, il faut aller l’ajouter manuellement dans freebase [inscription nécessaire]. Là encore, nous allons ajouter une fonctionnalité permettant d’effectuer cette tâche au sein d’Influence Networks.

Investigation collaborative

L’objectif d’Influence Networks est, à terme, qu’un journaliste ou un groupe de citoyens engagés puissent définir un sujet d’enquête (les liens entre l’actionnaire majoritaire d’un groupe de cosmétiques et le gouvernement, par exemple) et collecter des informations de manière collaborative, sans passer un temps considérable à valider et vérifier les éléments reçus.

Les éléments collectés étant recueillis dans un format compréhensible par l’ordinateur et structuré de manière sémantique, les données peuvent être croisées et parler d’elles-mêmes. Une recherche entre les entités L’Oréal et gouvernement français, par exemple, aurait pu montrer directement les possibles conflits d’intérêts d’Eric Woerth en montrant qu’il était lié à la multinationale via sa femme.

L’outil n’est, bien sûr, pas adapté à de l’investigation réalisée à partir de documents confidentiels, mais il permet de structurer et de réorganiser l’information déjà publique. Et l’analyse d’origine source ouverte (OSINT) reste l’un des domaines les plus dynamiques du renseignement – et, partant, du journalisme d’investigation.

Open-source et international

Influence Networks est le fruit d’une collaboration entre OWNI, Transparency International, Zeit Online et l’Obsweb de l’université de Metz. Ce groupe a porté le projet et l’a présenté à deux concours de journalisme innovant. Nous n’avons pas été sélectionnés en finale du Knight News Challenge, mais sommes arrivés parmi les 75 premiers (sur plus de 1 500 candidats).

Nous faisons en revanche partie des 10 finalistes de l’Uutisraivaaja Challenge, concours similaire organisé par les finlandais de la Sanomat Foundation. La dotation de 10 000€ reçue nous permettra de rajouter plusieurs fonctionnalités et de continuer à rechercher des moyens de développer le projet.

Par ailleurs, le code de l’application est ouvert avec la licence MIT. N’hésitez pas à aller le décortiquer chez GitHub et à contribuer au développement de nouvelles fonctionnalités !

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